Il y a ce livre qui m’étonne, qui m’éblouit même je pense. Qui m’inspire surtout. J’ai dû le prendre dans la bibliothèque de ma mère. C’est un temps où je ne sais pas encore grand chose de la littérature même si je lis avec délice depuis longtemps, que même, une grande partie de ma vie se passe dans les livres. Que j’attends des mots de me montrer la voie, de m’ouvrir au monde, de me le révéler autrement. Ce livre-là est une sorte d’autobiographie imaginaire, une enquête familiale. Une autrice est à la recherche de traces de son passé, de ses ancêtres. Au travers de photos anciennes qu’elle interroge, elle tente de dresser un arbre généalogique des personnalités de ceux et celles qui l’ont précédée. Elle scrute les photos, tente d’en déduire quels son leurs vies, passions, rêves, traits de caractère. Ce livre fait très forte impression sur moi. Je m’y sens attachée. Je crée un lien avec ce livre qui perdure pendant longtemps. Il m’habite. Parce qu’il va au-delà de la littérature. C’est un livre performatif. Qui me met en mouvement. Il y a dans ce principe de faire émerger des mondes enfouis au départ de photos quelque chose qui me trouble. Peut-être parce qu’il y a dans ma famille beaucoup de secrets dissimulés, d’informations perdues, d’inconnues. C’est un peu comme si le territoire familial appartenait à d’autres qu’à moi, que je n’y avais pas tout à fait ma place. Et peut-être qu’à sa façon, j’ai la sensation que ce livre me montre une voie possible. Me montre comment, au travers des mots, il est possible sinon de retrouver son histoire, du moins de la recomposer, de la recréer différemment, de combler les trous, les vides avec des mythes nouveaux ou anciens que l’on se choisit. J’oublie ce livre mais il reste là, quelque part, au fond de moi. Si il s’efface c’est peut-être au profit d’un socle qui se crée, tout au fond pour faire émerger des quêtes artistiques profondes.