La respiration est difficile. Quelques timides orifices osent percer l’uniformité. Percée hésitante, discrète : la couleur de ces deux minuscules spirales est presque la même que celle du bloc où péniblement elles s’affichent. Elles sont minoritaires ces bouches, tout autour règne le carré, le rectangle, le droit. Cela se joue deux contre deux, forces inégales : deux ronds contre deux rectangles. Mais ces derniers, portes et fenêtres de leur état, ne fond pas le poids face à la masse. Collés l’un à l’autre, comme apeurés, noyés dans le désert qui les engloutit. Oui, comme du sable, mais avec des grains plus gros. Comme le sable, un léger relief, très léger, car le vent n’a pas de prise sur la masse. Le conduit de cheminée aussi est englouti, la respiration est difficile sur la paroi. Peut-on attendre une solidarité du toit ? Non. La respiration est difficile, uniformité du ciel, géométrie parfaitement rectangulaire de la seule petite excroissance qui ose, tout là haut, lancer cet appel à la respiration. Un peu d’aide à la vie en bas : quelques rares traces vertes indiquent que cela respire, mais ce sont des mauvaises herbes, elles seront vite arrachées. Il faut préserver le lisse, la masse, l’absence de respiration. La route, miroir déformé, défoncé par les couches de bitumes successives, elle aussi la route elle essaye de garder la face, de rester une masse où rien ne respire. Mais elle est à tous, alors on la soigne moins que la paroi. Celle-ci s’y reflète : ce sera elle plus tard, miroir déformé, « Miroir, mon beau miroir, dis-moi qui est la plus belle…» Mur contre route, spirales contre rectangles, herbes contre bitume : tout un combat silencieux que l’on suit le souffle coupé. S’échapper par la plaque de fer ? Soulever cette bouche d’ombre potentielle, pour fuir sous terre, retrouver les racines des vivants qui péniblement poussent sous le mur. Non, le mur est trop fort, il a tout prévu : grille percée. Tu veux aller en dessous : c’est possible, mais il faudra encore respirer avec filtre car rien n’échappe au mur, tout est sous contrôle : air du haut, air du bas. Microcosme fermé, bien fermé, irrespirable. Porte : barreaux verticaux. Volets : barreaux horizontaux. Ici, on n’accueille pas, on ne respire pas, on ne souffle pas, passez votre chemin. Mais ce colosse a ses pieds d’argile. Oui, les marches, parce que les marches, c’est le passage obligé, le lieu de vie, il faut bien parfois, entrer et sortir, et cela abime. Le crépi n’est plus uniforme, le sable laisse place aux vagues, la géométrie n’est plus maîtrisée, le temps commence à grignoter la masse, tout doucement. On respire un peu. Ce mur, il est à coté du centre aéré, il est temps d’y conduire les enfants.
un mur contre lequel souffler
As tu fait le tien, histoire de s y appuyer?