A cause de la couleur de foin qu’avaient pris les prés de Bretagne cet été là. D’étranges champignons en béton blanc s’en élèvent, ils n’en connaissent pas l’usage, des châteaux d’eau. Dans la R6, ils roulent toutes vitres baissées dans la chaleur jaune et sèche. La joie que les enfants ont eu de retrouver leur mère après des mois de séparation est tempérée par les silences imposés au moment des repas. On ne parle pas à table. De même les gestes sont suspendus dans la maison en deuil. On ne met pas les coudes sur la table. Les repas sont ordonnancés selon une routine hebdomadaire, le cabillaud au beurre du vendredi, l’araignée avec frites le samedi. Sa mère les prépare. On n’y dérogera pas. Les visites quotidiennes au cimetière, les enfants obligés, interdits devant la tombe qui donne sur un renflement de la Rance. Le chemin obligatoire qui mène à l’église en fin de semaine pour une heure d’ennui insondable. D’une partie de la cour où avec son frère, ils jouent au pot se dégage une odeur de terre humide. Elle imprègne leurs mains. Elle répond à celle du cellier où l’on conserve fruits et légumes et dont la porte s’ouvre pas loin. A l’intérieur, c’est l’odeur de la gitane maïs de son grand père qui règne. Sa cigarette s’éteint même à l’heure de la sieste devant le poste télé et lui brunit les doigts. Avant de venir, son père s’est laissé pousser la moustache pour en faire la surprise à sa femme. Il la portera toute sa vie. Elle lui barre le visage. Les baisers sont piquants. L’aventure du train de nuit pour rejoindre leur villégiature. Son père avait oublié de réserver des couchettes. Ils occupent tout l’espace du wagon et sont souvent réveillés par des importuns. L’odeur de l’oeuf dur qui les accompagne toute la durée du voyage, dans la micheline aux banquettes rouges. Le rire des enfants qui claque sec sur la plage où, le temps de leur séjour étant plus long que les années précédentes, ils se sont fait de nouveaux amis parisiens. De l’été 1976, elle reviendra brunie et irrémédiablement frisée.
On est sur le seuil d’un récit. Les images, les odeurs, les sons, les sensations sont là. Bien envie d’entrer.
Merci pour votre lecture ! J’aime beaucoup la chute de votre texte…à suivre.
(des trains de nuit pour la Bretagne je me souviens)
Bien joué, j’y suis aussi, dans le train !
Oui le train de nuit, nous avons embarqué !