Corps moite dans la cabine, par le hublot l’horizon tangue, vite gagner l’air sur le pont, la nuit vaste, s’engouffrer dans la voute noire, se bercer d’étoiles.
Les nuits de Sirocco on s’allongeait sur le carrelage, on regagnait les draps humectés, on pouffait, chuchotait, s’esclaffait jusqu’à ce que le sommeil nous cueille malgré l’excitation, la joie.
Tout là-haut l’énorme cheminée du paquebot, transats, couvertures, les embruns collent au visage, aux cheveux, musique grave des turbines, bouillonnements d’écume, conversations, plainte ensommeillée d’un bébé que sa mère calme d’une chanson.
La fatigue taraude la nuit dedans comme dehors, les draps humides ne font pas oublier les tourbillons de neige dans les phares, ils gardent leurs vêtements, se serrent en vain, ne dormiront pas.
Les roulements de galets dans le puissant ressac, respiration assourdissante de la mer, épouser le rythme des vagues pour apprivoiser le sommeil.
Blancs les murs autour du patio, violettes les cascades de bougainvilliers, outremer l’horizon, lit sur la terrasse ouverte vers l’Etna, nos corps en jouissance.
Touguetoung, touguetoung, touguetong, l’enfance de l’avenue de la Gare, les lourds trains de marchandises, les rapides des voyageurs, mon rêve de départ, de voyage au bout du monde.
Refuge tant désiré, grincements des bois de lit, ronflements des voisins, odeurs mêlées de feu de cheminée éteint, soupe à l’oignon, chaussettes mouillées, ta nuque raide, tes reins douloureux, marcher encore demain.
Nuits solidaires du dortoir des filles, les anneaux des rideaux glissent sur les tringles métalliques, rires, rappel à l’ordre, chuchotements, j’te raconte tu m’racontes non c’est pas vrai mais si, les biscuits, les tubes de lait Nestlé, les mises en pli, il faut dormir mesdemoiselles.
Ça sent l’antiseptique, le légume froid, la lumière des chiffres et les couleurs des tracés sur l’écran du monitoring marquent encore les signes de vie, moi visiteuse aux yeux brûlants, sa main sans cesse caressée, Ne fermez pas la porte, supplie ma mère.
Voyage léger, embarqué…rêve de voyage et dernier voyage! Poignante la fin.
Merci Michael, il est vrai que c’est pas mal de refaire les gammes… travail à l’épure.
Emue moi aussi pour la fin à ce souvenir. Comme les enfants qui veulent la lumière, la peur de s’endormir…
J’ai pour l’instant peu lu, chantier(s) en cours, mais ne désespère pas!
PS: viens de voir que vous en connaissiez un rayon en Méditerranée!!!
Chaque atmosphère est là, présente, lourde ou légère comme l’air, chaque phrase nous y transporte.
PS : moi aussi j’ai fait le bruit du train, mais pas tout à fait le même, il est vrai que je suis dedans (https://www.tierslivre.net/ateliers/par-les-persiennes-de-la-memoire)
Bonjour Mireille,
les chambres une et dix en écho, entre les deux un tour de vie, j’aime qu’on y soit d’emblée au coeur de la nuit,
bonne suite,
Catherine S
Il est vrai, Catherine, que j’ai pris les premières idées venues, et qu’i s’agissait de nuits. Pourtant les siestes…
Chez toi-vous quelles photo, litanie, vie(s), vie tellement que souvent en-vie d’y être!