à Ugo Pandolfi
J’ai beaucoup fumé, vraiment beaucoup. Je ne fume plus depuis longtemps et j’ai oublié jusqu’au souvenir du plaisir que j’y trouvais. Les fumeurs sont devenus pour moi des êtres étranges, une espèce digne d’observation qui me touche et m’attire toujours. L’avatar en fumeur d’Ugo Pandolfi m’a fait cet effet-là ; peut-être est-ce aussi cet aveu étonné qu’il fait de son âge. Vérification faite, il n’en dit rien (de son âge), j’ai dû tout inventer. Comment se forme et circule le flux de nos pensées ? Des associations, de souvenirs, d’émotions, de choses vues, entendues, de préoccupations du moment, de projets avortés, d’intuitions ? Un montage m’est revenu en mémoire : cette image de google street view avec le reflet d’un jeune homme fumant sur la terrasse qui m’a donné l’irrésistible envie de lui adjoindre cette grand-mère pas commode (la maman de téta soussou) fumant magistralement sa chicha. Le rose du mur et celui du ciel se répondent, l’obscurité les isole dans leur plaisir solitaire. On entend peut-être la mer, les derniers oiseaux ou des chauves-souris ; l’air sent la douceur du soir et d’infimes relents de la cuisine d’un restaurant pas si loin ; un avion dans le ciel trace sa route. C’est le soir sur Sète ou sur Collioure, et Beyrouth est déjà dans la nuit. Je sais ! Ce balcon, c’est celui de ma mère, ancienne grande fumeuse. J’ai tout inventé, sur ce balcon, elle n’a jamais fumé.
Merci pour votre délicate et clinique attention. Vais m’efforcer de ne pas polluer (trop) notre espace. Vos inventions ne sont pas loin de mes réalités : la mer, les oiseaux, les chauves-souris m’accompagnent toujours sur la terrasse (espace fumeur) avec chats, chiens, grillons et petits ducs.
Avec plaisir, merci d’accepter de bon coeur d’être un support à mes imaginations.