je ne les aperçois que rarement quand elles sont sur le balcon, une mère et sa fille, je suppose, peu importe, une jeune qui au soleil se bronze et fume et une mère qui profite de l’ombre pour lire et fumer et parfois, l’une et l’autre, à fumer et parler et lire. Je ne sais rien d’elles, à peine croisées dans l’escalier, à peine parlé, si, une fois peut-être, une fois au moins, une histoire de pneus, de pneus crevés, si je n’avais pas vu, pas vu le couteau pas vu le coupable, deux pneus crevés quelle misère, une fille et sa mère, au premier, que je connais à peine, elles sont arrivées il y a si peu de temps.
je ne les aperçois que rarement je connais leur prénom, je crois, Karim et Li, Maghreb et extrême orient c’est ce que je me suis dit, mais c’était idiot, c’était juste un homme et une femme, plutôt souriants mais dont je ne sais rien, sinon une mercedes ou une audi, cela fait trois ans quatre ans je ne sais pas qu’ils sont là au troisième, Karim et Li et maintenant ils ont un enfant, tout petit, que je n’entends pas, ils ont trop loin, un petit qui je suppose doit pleurer un peu la nuit, c’est ainsi, je ne l’entends pas ils sont trop loin, d’eux non plus je ne sais rien, juste l’audi, noire et neuve et brillante qu’ils ont eut, avant l’enfant, chaque chose en son temps, mais d’eux je ne sais rien, à peine parlé, dire bonjour, pas tous les jours, de temps en temps et puis sourire.
je l’ai croisée tous les matins plusieurs mois, la soixantaine, toujours allant travailler, je ne sais pas où, moi aussi j’allais travailler, chacune de son coté, j’avais pensé que l’on devrait échanger moi à ton travail toi au mien, tous les matins peut-être cela nous ferait moins de chemin et on ne se croiserait plus, cela ne changerait rien puisque nos regards eux ne se croisent pas, n’échangent rien, ne se disent rien, tes lunettes peut-être t’en empêchent, ou parce que comme moi elle est en retard, toujours pressée, pas le temps de regarder, d’échanger même un regard, je crois la soixantaine passée, bien passée, je crois, mais bien maquillée, pas comme moi, qui si rarement le suis.
il était à sa fenêtre tous les jours de la semaine, les cheveux blancs, et longs, à sa fenêtre de rez de chaussé, il s’ennuyait avec les pigeons, avec les passants et des fois nous parlions, non des fois il parlait, quand il pouvait, il avait du mal à respirer, il me racontait des plaisanteries, des blagues, et moi, je riais, cela faisait de la vie, je ne connaissais rien de lui, de son histoire ni comment il était arrivé là dans ce rez de chaussé, seul avec du mal à respirer, je n’ai jamais su, s’il avait des enfants, des parents, des cousins éloignés, des amis, des visites, mais un jour il n’y était plus, disparu, plus jamais revu, je crois qu’une ambulance un soir était arrivée, il me semble je ne suis pas sûre, avec ses problèmes pour respirer, maintenant un couple des jeunes, une collocation, je ne sais pas, la fenêtre reste fermée comme si elle n’avait plus de blagues à raconter.
Formidable choix du lieu: ces dehors dedans/fenêtre, balcon, escalier. Les paragraphes comme des bulles – micros fictions – J’aime le rythme de l’écriture avec répétitions et reprises.
merci beaucoup, très touchée, j’essaye de plus en plus de mettre du rythme…contente que cela fonctionne.merci encore.
J’aime beaucoup, oui, le rythme, la force évocatrice en peu de mots.