partir et toujours faire promettre qu’on reviendra même si c’était pas si bien que ça, quitter un lieu de vacances, un ami, sa mère, son enfant devenu grand, quelqu’un dont on espérait tout le long du séjour le départ pour se retrouver seul chez soi enfin, voir un train qui s’éloigne, une voiture, un chat écrasé, un oiseau dans la gueule du chat, une souris, un documentaire animalier, la gazelle ou autre qui toutes les deux minutes devient une proie, l’animal poursuivi, sa terreur, les zigzags du lapin pour échapper aux galgos, une annonce de la SPA, le singe en cage frappé par son maître célèbre, comme si la célébrité rendait moins con, un enfant qui pleure après sa mère, une mère qui perd son fils de vingt ans, vingt ans durant elle l’a élevé et c’est pour du beurre, pour rien, et après rien, et elle se lève un matin à Rome et elle dit c’est l’anniversaire de mon fils aujourd’hui en regardant le soleil qui inonde la chambre et elle sourit, il n’y a pas de révolte en elle, et pourtant rien, plus rien, une maison à vider, jeter les objets à la benne et être la seule à les entendre crier quand ils tombent dans le vrac de la benne en fer, enfer de ce qui prend image dans la tête et ce que ça mord au-dedans du ventre et chercher distraction, les livres qui parlent de séparation, quitter l’autre qui ne veut pas, rester ferme au moment du départ, encore un baiser maman, les hurlements, les bras serrés autour du cou, les pleurs qui semblent décroître à mesure que les pas avancent dans le couloir, les choses irrémédiables et lutter quand même, et s’il y avait eu quelque chose à tenter, comme lui dire qu’on l’aime, qu’on ne le fera plus, qu’on regrette, qu’on ne voulait pas, promettre plus jamais, à jamais, pour toujours, plus fort que tout, confondre séparation et douleur, douleur et souffrance, la tête et le corps, partir et plus jamais, partir et séparation, partir et absence, ne plus voir et ne plus aimer, ne plus voir et être mort, les mots et la chose, l’image dans la tête et la réalité, l’image à l’écran et être triste, le vrai du faux, la douleur l’abandon
Hello Anne,
une accumulation sensible, et cette mère triste à jamais… et puis votre bio que je découvre, une autre accumulation si joyeuse celle-là, un peu à votre image de contraste non ?
C
Très fine perception, Catherine, dont je retiendrai « contraste » et qui me va bien. Et ces commentaires qui ouvrent toujours de nouvelles pistes comme donner naissance. On écrit à partir de l’atelier de François, mais aussi à partir de vos visions de ce que pourraient être nos textes ou de ce que vous en percevez. Une merveilleuse toile d’araignée. Merci big.
Bien aimé cette accumulation, Anne. L’absence de points accentue bien l’impression de chute…
Mon accumulation à moi est située … dans une benne! Peut-être des ojets à y retrouver!
J’y vais voir, Elisabeth. Très heureuse de te retrouver et ton écriture aussi. Merci de ton passage.
J’aime ce fil qui tire jusqu’au creux du ventre et se noue en séquences de plus en plus courtes. Et ce décrochage d' »abandon » comme un point qui ne termine rien.
Merci de votre commentaire précieux et encourageant. Je vais aussi aller vous lire. A bientôt.
Bonjour,
J’ai bien aimé lire le comment l’accumulation fait histoire ou souvenir et met le lecteur dedans dans une sensation difficile à décrire, mais ça rend proche de cette mère.
Merci de ce commentaire et d’évoquer la sensation. Très touchée. Vais vous lire.
(j’ai vu ça, un jour, et entendu pendant quelques mois, les objets crier – ce n’est pas un bon souvenir – du tout) mais on passe, nous aussi – le temps quand même nous aide – on tient encore – on tient on part – (bravo)
Oui, on passe nous aussi… Merci, Piero, de ton passage et de ta lecture, de ce retour.
Merci Anne, pour cette tentative d’épuisement du chagrin. Merci pour l »enfer de ce qui prend image dans la tête et ce que ça mord au-dedans du ventre et chercher distraction, les livres qui parlent de séparation », pour le « à jamais » dans votre texte que j’entends aussi comme on dit « au revoir », et puis pour tout cet espace crée devant le mot « abandon » que j’ai vu dans votre texte comme jamais je l’avais vu : tout petit et tout seul avec seulement ses hastes du b et du d pour rejoindre quelque chose. (le mot « haste », je viens de le chercher et de l’apprendre pour vous répondre, c’est l’équivalent de la hampe, mais vers le haut.)
Peut-être que le chagrin revient , mais si on est plusieurs à y aller – au chagrin -, à écrire, à partager sur ce qui s’écrit, peut-être qu’ il est moins lourd, le poids est partagé, et même parfois, il devient doux. (?..)
Ce que vous écrivez, Agathe, est tellement beau et les autres commentaires aussi (Héléna, Anna Miro) que cela mériterait de figurer dans un texte élargi à plusieurs.
« Peut-être que le chagrin revient , mais si on est plusieurs à y aller – au chagrin -, à écrire, à partager sur ce qui s’écrit, peut-être qu’ il est moins lourd, le poids est partagé, et même parfois, il devient doux. (?..) »
Ce que vous avez écrit, c’est comme si je trouvais écrit par quelqu’un d’autre ma mission d’écriture, le pourquoi j’écris, je ne suis pas la mère qui a perdu son fils, même si je l’ai connue, mais j’écris exactement pour ce que vous dites, y aller au chagrin pour le porter à plusieurs, comme porter la table de Milène Tournier.
Un très grand merci.
Merci Anne, pour la proximité avec ce texte… très fort l’ « enfer de ce qui prend image dans la tête et ce que ça mord au-dedans »
Merci, Michael, de ta proximité d’auteur. Précieux !
Epuiser le chagrin avec des larmes qui n’arrêtent pas de couler mais aussi avec des mots et des images qui le cernent si bien, lui tordent effectivement le cou. Il est poignant de vérité ton texte !
« Epuiser le chagrin avec des larmes qui n’arrêtent pas de couler mais aussi avec des mots et des images qui le cernent si bien, lui tordent effectivement le cou. »
Si beaux et forts, tes propres mots, Héléna, que ça mériterait un texte élargi à plusieurs. Merci, tellement merci.
Merci Anne. J’aimerais vous entendre dire ce texte et écouter avec plaisir comment vous tressez l’humour et la colère, la poésie avec la vie comment vous zigzaguez entre ces voix/voies.
« et être la seule à les entendre crier quand ils tombent dans le vrac de la benne en fer, » Poignant Anne