Là où les mots ne peuvent être entendus, le corps exulte. Une fillette. Aussi transparente qu’une larme. Ses yeux fouillant les regards perdus au-delà de sa présence. Ce corps, son corps, entend, ce corps, son corps, voit, goûte, sent, touche. Mais ce corps – son corps, cette fillette, elle, moi – n’existe pas. On ne l’entend pas. On ne le voit pas, ne le touche pas. On, en l’occurrence la mère, ne vient à lui, à elle, à la fillette, à moi, que lorsqu’il est malade. Pour le, la, me, sauver. Pour lui enlever cette visibilité acquise par la ruse. Vois-tu ? Elle a du mal à respirer parce qu’elle est encombrée… encombrante. Elle doit cracher. Sur une planche inclinée, la tête en bas, retenue au niveau des épaules, elle n’a plus la notion du temps. Son horizon est un bol, ou peut-être une assiette creuse, peu importe. L’important est ce qu’elle y crache. Pas des mots… non on ne les entend pas. Mais de beaux crachats glaireux à souhait avec des fils dans l’amidon… le doute du rêveur ? l’orgueil du fat ? la solution d’un douloureux échec et mat ? ainsi que les décrit Léo Ferré. Rituel avant le repas du soir attendu comme une punition, celle d’exister qui l’exclue encore d’avantage… elle va l’exécuter loin du bocal familial, dans une maison spécialisée pour les enfants qui ont le souffle court… souffle qui court à la recherche d’une sortie. La fillette l’a trouvée mais le corps n’est pas satisfait. Rien n’a changé… alors c’est lui qui change et quand les mots sont coincés au fond de la gorge, il se met à enfler. Enfler d’abord sur la partie du visage comprise entre la racine des cheveux et les sourcils, le front. Le front considéré comme protecteur, en lien avec notre manière d’affronter les avatars de la vie. Le corps installe un airbag entre lui et les autres. La fillette a de beaux cheveux lisses et bruns. Elle porte une frange qui cache le front. Un œdème lui ferme à moitié les yeux et enfle les oreilles. Le visage est rouge. Le visage est chaud. L’airbag disparait, apparaissent des bas-joues, et une paire de genoux gonflés comme des bouées, mais les chevilles ne sont que douloureuses. C’est une forme de rappel. Il est elle, il est moi
très fort (beau) rendu intime, aux confins du transparent et du sous-jacent. Les hésitations (au contraire, ce sont des clous enfoncés) quant à la personne grammaticale (lui, elle, moi), ces hoquètements à coups de virgules interposées, n’y sont pas pour rien
Merci de cette lecture. Elle donne de la légitimité à mes recherches stylistiques. Je suis actuellement très peu disponible et n’ai pas eu le temps de m’enrichir à la lecture des textes des autres donc du vôtre mais d’ici peu je vais pouvoir le faire et je serai ravie de venir dans vos textes. Merci encore