Je suis seule dans l’appartement, mes parents sont sortis. Je dois apprendre une récitation. Mais j’ai trop envie de faire expédition dans un lieu qui m’est en principe interdit. La chambre de mes parents et attenante une pièce sombre avec de nombreux placards. C’est bien une expédition. Je me suis armée d’un escabeau de bois, lourd à traîner. Qu’importe. Il le faut. L’étagère à atteindre est si haute. J’ouvre la porte, elle grince. Le loquet du double battant résiste, je m’énerve. Je le titille, il se relâche comme à regret. J’installe l’escabeau. Je grimpe les trois marches. Je dois me hisser sur la pointe des pieds. Équilibre instable. Je persévère. Je veux l’attraper, ce carton à chapeaux dans lequel ma mère range des merveilles. Je pourrai les essayer devant le miroir de sa coiffeuse, me pavaner, m’admirer. Pour l’heure, il résiste. Mes mains ont du mal à trouver prise sur sa surface de moleskine glissante, glacée, fuyante. Je tâtonne. J’attrape le ruban qui permet de le transporter. Je tire doucement, tout doucement. Le carton glisse, le voici à demi sorti, prêt à basculer dans le vide, à m’assommer. Je dois être forte, le recevoir dans mes bras, moi trop petite, moi devant faire confiance à l’escabeau. Oui, il restera solide, me soutiendra. Oui, je serre le carton dans mes bras. Je descends les marches en les cherchant du bout de ma chaussure. Je tiens bon, debout. J’ai gagné. Je vais l’ouvrir et m’enchanter de ces bérets, capelines, feutres, violettes, plumes. Je serai princesse, impératrice peut-être.