Chaumerliac ou le temps matériel
il fume des gitanes maïs qu’il rallume sans cesse. Sa phrase c’est « nous n’avons plus le temps matériel » qui ponctue ses cours. Comme il est prof de physique, ce concept de temps matériel me questionne. Petit, l’œil vif, malicieux même quand il parle du temps matériel, il a les doigts jaunis par le tabac. Je crois qu’il déteste tout le bazar des expériences à mettre en place et à ranger. C’est ça le temps matériel, celui de faire les choses que l’on n’aime pas. Comme il manque, on ne les fait pas. Il est mort peu après, pas très vieux ; la faute au temps matériel ou aux gitanes maïs ?
La dame qui nous fait des tartines
je déteste ses doigts boudinés et ses ongles trop blancs au point que j’ai du mal à manger les tartines qu’elle nous prépare pour le goûter. Je ne me souviens plus de son nom, mais qu’elle avait travaillé dans un hôtel à Vichy. Un hôtel à Vichy ! C’est pour ma mère, je crois, signe de distinction, de luxe, de proximité avec l’ élite internationale ; un peu comme si nous étions confiés à une gouvernante anglaise, même si la dame, la voisine à qui nous sommes confiés, n’a fait qu’y laver les draps et tremper un peu trop ses mains dans l’eau de javel dans cet hôtel de Vichy, même si l’élite internationale a bien déserté le Vichy d’après guerre. Qui est celui de mon enfance.
le René Pérrière
Je ne le connais pas. Mes parents en parlent. C’est un voisin avec qui mon père aime discuter, un vieux célibataire qui vit avec son père et travaille sans doute à la verrerie, comme tout le monde. De quoi parlent-ils ? De bricolage, de vigne et de vendange, d’élevage de poules, de pigeons et de lapins, toutes ces activités entre loisir et subsistance qui sont le quotidien des ouvriers restés paysans de Puy-Guillaume ; toutes activités que mon père ne pratique pas, mais pour lesquelles il a une grande curiosité ; son côté Bouvard ou Pécuchet qui irrite ma mère qui n’a ni considération pour les savoirs de cet homme, ni indulgence pour sa conduite et dit même qu’il a une histoire avec la kiné qui vient chez eux, une très grosse dame mariée.
Une cocarde pour la dame aux tartines !
Merci Nicolas.
J’aime beaucoup. Merci !
Merci Catherine
Ce qu’on devine de l’enfant, de ses parents, de son milieu d’origine au travers des personnages. J’aime beaucoup également.
Merci Carine.
« (…) son côté Bouvard ou Pécuchet qui irrite ma mère qui n’a ni considération pour les savoirs de cet homme, ni indulgence pour sa conduite et dit même qu’il a une histoire avec la kiné qui vient chez eux, une très grosse dame mariée. » On y est dans les petites histoires les qu’en-dira-t-on qui font la grande histoire et parfois les malheurs de l’humanité. Des personnages à creuser ou à enfouir bien profondément dans le sillon du cycle à venir (ou des cycles passés ?).
Merci Camille. Je ne crois pas que je pourrai creuser ses personnages. Il me semble qu’ils doivent rester ces fragments qui surnagent de la mémoire et qui disent beaucoup par le regard partiel de l’enfant (qui n’a d’autre source d’information que ses parents)
Incroyable… Chaumerliac, prof de physique !… Nos enfances se sont donc croisées… Suffisamment pour que les écritures se fassent écho ? Contrepoint ? J’attends impatiemment la suite…
A quelques années de distance ? Lycée Blaise Pascal 69 ou 70.