#enfances #00 | noirs

Il pleut. Quelques gouttes sous les pins. Là-haut le ciel est bleu. La terre est molle. Dans les sandales entre les orteils des boudins noirs se forment : comme des vers. Les ongles qui ont raclé la terre sont noirs, avec une petite pelle elle fouille le sol, gratte et creuse ; l’air fait danser les feuilles et briller les gouttes comme des insectes translucides ou des perles. Il y a tant à voir. À ses pieds un monde grouille. Vient la nuit. Être perdue c’est être dans le noir les yeux écarquillés. C’est compter ses doigts comme autant de petits cailloux pour repousser la nuit qui a des yeux partout. Les yeux du noir sont terribles. Ils grincent. Ils ont des griffes. Et c’est comme une pierre énorme, une montagne on dirait, qui se couche sur la poitrine de l’enfant. Elle ne bouge plus. Les yeux ouverts elle attend.

A propos de Nathalie Holt

voilà ! ou pas

10 commentaires à propos de “#enfances #00 | noirs”

  1. Lire cette série qui commence est un voyage incroyable, d’un texte à l’autre une scène nourrit la suivante, ce que tu ajoutes par le minuscule, Nathalie, est une très forte contribution, sans doute parce que le corps accroupi est si investi dans le geste – et puis à nouveau ce passage de conscience d’être à être perdue, qui fait vibrer.

  2. (c’est si impressionnant ce que la consigne ouvre comme changement d’échelle, des yeux avec des griffes, là, et tout est soit immense soit minuscule, bravo pour ce texte !)

  3. «  compter ses doigts comme autant de petits cailloux pour repousser la nuit qui a des yeux partout » . Vos mots font vibrer en moi des choses profondément enfouies. Je partage totalement l’avis de Catherine Serre. Merci Nathalie Holt. Oui, « les yeux du noir sont terribles » et votre écriture à la force de me le rappeler, brusquement, soudain.