Je cherche ta voix, je te regarde vers la fin de ta vie, en douce grand-mère sourire, mais je ne t’entends plus.
Je tente de la re-créer et c’est
ta voix qui n’était pas plate mais calme, ondoyante, qui ne gardait de la colère, de la tristesse qu’un reflet, et les rendaient ainsi plus éloquents, comme tes joies…
ta voix qui était inflexions..
ta voix qui disait ton charme, ton sourire et ouverture au monde, ce regard qui n’excluait pas la curiosité, le jugement, parfois ironique ou colère, comme les mots acérés qu’elle prononçait alors…
ta voix qui désarmait la violence éventuelle de tes phrases.
Je cherche ta voix, je n’en ai pas d’enregistrement, juste ma mémoire qui ne s’y était pas attardée, mes souvenirs à traduire
et puis cela : sa tessiture, ou cette façon de lancer les mots, tu nous les as transmises et les amis, le père quand revenait d’une longue absence, ne distinguaient pas entre toi et nous, les trois filles, en nous écoutant sans nous voir…
mais ces différences dont nous étions conscientes toutes les quatre, et qui faisaient que nous ne confondions pas… était-ce dû aux idées, aux élans plus ou moins vifs, à la présence plus ou moins affirmée ?
puisque sommes nos voix…
Je cherche ta voix à travers la mienne et les leurs, nos timbres sans aigus mais où viennent des clartés, le tien plus musical sans doute, avec, colorant et soulignant ta sincérité, une maîtrise constante et naturelle, venue peut-être de l’enfance..
et je ne te connaissais pas, – sauf en petites traces gentiment ironiques, quand tu singeais, pas si inconsciemment que cela, des voix rencontrées dans le salon, le jardin ou autour de la table de tes nombreux amis –, je ne leur connais pas, ces préciosités que j’ai découvertes chez moi avec dépit en écoutant ma voix sur un répondeur, maquillage posé par le travail, vulgarité contre laquelle j’ai lutté.
Je cherche ta voix,
et je crois l’entendre, quand je lis, avec mélange de curiosité et de cette culpabilité qui en découle, des passages de tes lettres de jeune femme à l’époux absent, une jeune femme pour laquelle me vient une amitié de petite vieille, même si j’ai tellement moins vécu que toi…
je cherche ta voix, et j’en trouve l’écho dans la ponctuation, ou son absence parfois, de tes phrases, dans la tendresse, le sourire, la malice, la gravité, la rage réprimée qu’elles expriment et cette façon de passer d’une nuance à l’autre.
Je cherche ta voix, mais ne l’ai jamais vraiment entendue, comme un son à analyser,
je cherche ta voix et ne saurais la dissocier de toi…
je ne trouve que cela : ta voix (ou nos voix, donc) sans stridence, mais claire, non pas comme une clochette mais comme l’écho d’une cloche – sans le velours sombre non plus qu’aurais aimé pour la mienne, écho d’un bourdon…
un mezzo clair, un charme.
ta voix, rivière au soleil, chatoyante.
Codicille – François Bon ayant eu la gentillese de me rappeler ce texte que j’avais oublié je le reprends et l’assortis d’un second « ta voix », comme un pendant.
le charme oui exactement (je relis, en vrai, je me souviens)
moi je l’avaisoublié – mais pas son charme (me suis bagarré avec)
Quelle mémoire de détails
et « Je cherche ta voix à travers la mienne et les leurs », j’aimerais approfondir cela aussi.
mère et filles avaient voix presque semblables disait-on
chercher la voix à travers des images, des sons, des cadences, des lettres anciennes
si difficile à faire renaître, une voix…
oui je ne sais pas faire
…Et c’est cette quête tout en fragilité qui est belle, avec cette scansion : « je cherche ta voix ».
Oui, les quatre, la même voix, enfin presque. Quelle belle idée, la voix de la mère et de ses filles. Elle me parle beaucoup. « et je crois l’entendre, quand je lis, avec mélange de curiosité et de cette culpabilité qui en découle, des passages de tes lettres de jeune femme à l’époux absent, une jeune femme pour laquelle me vient une amitié de petite vieille, même si j’ai tellement moins vécu que toi… ». Tout ce que cela ouvre d’imaginaire.
merci