Vacance. Pas les plurielles, les officielles, les collectives, avec leur rituel (le sapin, les cadeaux à Noël, les pistes de ski en février, le bord de mer l’été), non, la chipée, la surnuméraire, celle rien que soi, tandis que dehors le monde continue de s’agiter. Pas d’embouteillage, de programme, d’activités, rien. Du temps. Rester au lit. Être autorisée à rester au lit en pleine journée. Le lit devenu monde, île, cabane. Le soir, un peu patraque et puis le verdict du thermomètre. Espérer. Si la barre du 38 est atteinte, c’est gagné. Dès le soir, pouvoir manger couchée. Le plateau amené au lit, les coussins redressés. Savoir que le temps va pouvoir s’étirer. Pas de réveil en fanfare, pas de course à la salle de bain, pas de compte à rebours, pas de trajet tendu, pas de feu à espérer vert, seulement du silence. Les grands-parents sont prévenus, le relai organisé. N’avoir à s’occuper de rien. Se laisser porter. Bercer. S’endormir, s’éveiller, ouvrir les yeux et la savoir là, assise sur la chaise recouverte de cuir, au pied du lit, qui veille. Etrangeté de la voir endimanchée, dans cette chambre où elle ne vient normalement jamais, maîtresse d’une maison qui n’est pas la sienne, un peu gênée elle qui l’est habituellement si peu, précautionneuse, silencieuse, discrète, elle qui habituellement parle haut, rie, éternue, avec emphase. Parfois ils se relaient. Ou s’additionnent. Quatre à veiller. A se faire des politesses. Les observer depuis le lit, amusée. S’abandonner. Écouter les bruits au loin, les pas dans le couloir. C’est l’heure du goûter. La chaleur du bol tenu entre les mains, l’odeur de la verveine, la madeleine, la traditionnelle, celle qu’elle amène aux malades qu’elle va visiter. Autour, on va on vient, on est aux petits soins. L’enfant est malade. On lui met des draps propres, la borde, lui lave le visage au gant, le torse, les aisselles, à l’eau tiède, lui brosse les cheveux. Se laisser soigner. Dehors la ville, le bruit, le monde. S’enfoncer sous les draps, étirer ses jambes, ses pieds, ses orteils, ses bras, et sentir le temps qui s’étire. Et puis le soir, la maison qui reprend son rythme habituel, la porte qui s’ouvre, les voix, les pas rapides dans l’escalier, on parle du travail, de l’école, on s’agite. Gagner un jour. Ou deux. Viendra un moment où la réclusion pèsera. Il sera temps de retrouver la classe, les devoirs, la cantine, et la course du matin. D’ici là, il y aura le temps de la convalescence. Pouvoir lire, jouer à tricotin, à ficelle, avec celle qui patiemment veille. Connaître la chambre aux volets ouverts, éclairée par la lumière du jour, depuis le lit. N’avoir rien d’autre à faire que de se sentir exister.
Le plaisir des jours malades, les vacances en plus, n’avoir rien d’autre à faire que se sentir exister… j’aime beaucoup