La grand-mère fait les courses, le grand-père travaille dans les vignes, un espace de liberté s’ouvre pour emporter un tabouret de bois et le placer devant la Grande Armoire à senteurs, meuble central du vestibule de la maison vigneronne éclairé par un plafond vitré. Se hisser sur la pointe des pieds pour atteindre la clé plus large que la main, insister, forcer, tourner, ouvrir enfin les deux battants de portes dans un grincement qui résonne dans le grand vestibule. La petite taille enjoignant de monter sur le bas de l’armoire en s’agrippant d’abord à la première étagère puis à la seconde, difficile de garder l’équilibre, la dernière à chapeaux risque de se révéler inaccessible, seulement contempler rêver de grandir très vite s’accrocher au bouton du tiroir à gauche, comment le tirer sans faire une chute sur le carrelage, s’y reprendre à deux ou trois fois. L’année d’après atteindre enfin la plus haute étagère et ses chapeaux, un haut de forme, un chapeau melon et un canotier – jamais vu le grand-père les porter – Un jour poser le chapeau melon sur la tête, prendre la canne posée au bas de l’armoire et imiter la démarche de Charlot pour faire rire le cousin Claude âgé d’un an de plus. Poser à nouveau les pieds sur le tabouret après l’inspection méthodique mais différente à chaque nouvelle ouverture de l’armoire, parvenir à refermer la clé après plusieurs essais, enlever le tabouret, s’installer dans le fauteuil Voltaire, fermer les yeux et rêver. Faire un inventaire de tous ces objets hétéroclites installés au fil des années, imaginer leur vie à la fermeture des portes, leurs dialogues de plumiers cahiers bûchettes colorées pour apprendre à compter avec le jeu de l’oie et le golf miniature avec ses arceaux, cannes et boules rouges et bleues, de la lampe à pétrole avec les anneaux de rideau en cuivre, du chapelet rose avec le missel en cuir, des calques à broderie avec les bobines de fil multicolores, de la boîte de photos et du gousset de velours noir protégeant une boussole, si agréable à caresser, des bijoux anciens dans un coffre en métal doré tapissé de velours rouge et des boîtes de poudre de riz. Plonger dans un bain de senteurs de lavande et de poussière mêlées. Grandir d’un coup en découvrant la cachette des cadeaux de Noël.
Bien des années sont passées. La maison a disparu. L’armoire sauvée continue à ouvrir ses battants en livrant la tendresse de parcelles d’enfance.
oh Arlette, j’ai eu peur de tomber, me suis accrochée, ai savouré
merci Brigitte de votre écho
pardon HUGUETTE… je viens de quitter la page Facebook d’une