Dans la pièce très froide, sans chauffage, une chambre sans fioriture, cuvette et broc d’un côté, leur céramique un peu ébréchée, armoire dans le fond, austère, droite, c’est là que le lit prend toute la place mais calé à gauche contre le mur. Le lit haut, ses montants effilés en bois foncé, et ses épaisseurs d’édredon qui masquent les draps et les corps. Au-dessus, le Christ dont elle pense qu’il veille sur son sommeil. Et le mien ? Pour mieux glisser dans les rêves d’enfant, il faut s’enfouir dans les profondeurs, l’opacité des linges, leur poids, tissus lourds, serrés par-dessous et renflés, gonflés de plumes
Au moment du coucher, on glisse une brique chaude, ou deux, juste sorties du four à bois et emballées dans un torchon pour ne pas se brûler. Puis j’entre dans le lit où elle me rejoindra quand elle aura fini ses corvées. Je grelotte dans le lin froid, jusqu’à ce que mes pieds gagnent le halo de chaleur de la brique. On la glisse au fond du li, là où iront les pieds nus, par où elle réchauffera tout l’espace qu’est le lit dans la chambre. Une pièce dans la pièce, parée de ses murs, de son toit d’étoffes.