l’automne, l’hiver, dans l’aile chauffée de la maison vigneronne, une chambre sans fenêtre, débouchant sur le grand vestibule d’un côté, sur la chambre des grands-parents de l’autre, par deux portes vitrées masquées par des papiers collés sur chaque vitre assurant une certaine intimité et moindre clarté, un lit bateau en bois sombre, avec un matelas en laine au tissu rayé, un sommier tapissier à ressorts et l’assurance de grincements à chaque coucher, un édredon rouge cramoisi, des draps en lin brodés sous lesquels on disparaissait. Sur la gauche une armoire en noyer sombre, une chaise en paille accueillant les vêtements, un éclairage au plafond en allure de tulipe en verre orangé, qu’on pouvait allumer grâce à une poire en porcelaine blanche munie à son extrémité d’un bouton à enfoncer, un carrelage à figures, des étoiles à huit branches bicolores marron-noir inscrites chacune dans un carré à larges bords, une tapisserie de petites fleurs en bouquet aux couleurs délavées, une gravure encadrée de bois noir au-dessus du lit représentant une scène mythologique et sur le mur d’en face une photo d’un couple âgé habillé de noir offrant un visage austère presque effrayant.
le printemps, l’été, occupation d’une chambre beaucoup plus grande, à l’autre extrémité de la maison, avec fenêtre près du nid d’hirondelles derrière les hauts volets en bois, un grillage à guillotine en cas d’invasion de moustiques. Un éclairage au plafond lustre de verre décoré de grappes de raisins en relief, un grand lit à barreaux en cuivre, une table de nuit de chaque côté avec une lampe au pied torsadé en bois surmonté d’un abat-jour recouvert de toile de jute rouge, une commode à trois tiroirs en face avec un grand miroir encadré d’un bois doré, posé sur un marbre veiné agrémenté de deux tablettes sur lesquelles étaient posées une tanagra en terre cuite sur l’une et un oiseau en verre sur l’autre. Une chaise cannée à gauche, une à droite. Tapisserie à grandes fleurs bleues, au sol un dallage en bar gris de Montpellier rugueux ou lisse.
l’été, la chambre du petit mas face à l’étang de Thau, accessible par un escalier en bois ouverte sur un balcon étroit à l’abri d’un pin parasol et face à l’étang. Murs crépis en blanc, parquet de sapin en lattes parallèles, rugueux, un tapis rond en corde, un simple matelas posé sur des planches de bois, recouvert d’un tissu à rayures bleues et de coussins blanc cassé, un fauteuil bascule en osier, deux lampes à pétrole, une lucarne ovale œil-de-bœuf surplombant une haie de cyprès — point d’observation insolite, en décoration un serre-joint de menuisier en bois, un plongeon cruche en terre gardant l’eau fraîche, posé sur un guéridon en fer peint en blanc, une chaise pliante, un parfum enivrant de pins et de jasmin.
c’est drôle, on dirait qu’il n’y a presque pas de couleurs
(je n’en ai presque pas vu au cours de ma lecture, alors je relis…)
je retiens cependant le cramoisi de l’édredon d’hiver et le fauteuil en osier de la chambre du petit mas
point besoin de nommer l’étang, les senteurs de pin et de jasmin me suffisent
Dix couleurs pourtant dont certaines délavées mais bien présentes
merci F. de ton passage
Les luminaires de ces chambres, la poire en porcelaine, oui, les tons assez uniformes, tout assortis, rien ne heurte à part l’édredon cramoisi, j’en ai connu un aussi, cramoisi, comme tu l’écris, :), on construit ces espaces au fur et à mesure de la lecture et tu me tenais dans le suspens. C’est drôle, comme j’étais curieuse d’en savoir plus, comme poser le regard, tourner sur soi-même pour tout observer, ne rien perdre. merci, Huguette.
Oui impression de découvrir pas à pas un objet puis un autre qui emporte l’écriture
merci Anne de ton écho
« le carrelage à figures » augmenté de la « tanagra de terre cuite » additionné au « bar gris de Montpellier » le tout côtoyant ce « plongeon cruche en terre » (qui m’a fait souvenir des gargoulettes de mon enfance) : toute une collection d’objets si vivants… Merci à toi
impression de lancer un grand filet qui emporte nos objets et dessine une cartographie sans fin
la lampe tulipe et sa poire, le carrelage dessinant des étoiles qui sent son sud, le papier à petites fleurs et la gravure encadrée… oui c’est de notre coin
le lustre gravé, les couleurs de la seconde chambre
et la chambre de l’étang qui dit l’éta
C’est si bien Huguette
je ressens encore dans la main « la lampe tulipe et sa poire, »
et tout revient
merci Brigitte de votre appréciation