J’aimais davantage la vue que la pièce elle-même. Le lieu était simple, deux mètres sur trois. Il y avait avec un bureau de bois sur des tréteaux et un tabouret aux pieds émaillés de blancs dont le plateau tournait. Sur le mur, au-dessus était fixée une bibliothèque artisanale faite du même bois que la planche du bureau. J’avais un tourne-disque jaune orangé, un radio réveil rouge avec de gros chiffres de la même couleur. Sa sonnerie était effroyable.
J’ai oublié où je rangeais mon linge. Dans un coin, une coiffeuse d’une autre époque avec trois miroirs teinté et un lit, incapable de dire si c’était un couchage d’une ou deux places, mais j’y dormais comme un loir. Les murs d’une couleur bâtarde sans importance était un peu crème.
Le mobilier n’a aucun intérêt. Les éléments précieux de cette pièce étaient la lumière qui entrait en fin d’après-midi et la vue imprenable sur le monde. Du 8ᵉ étage, je voyais le coucher de soleil à l’horizon passant derrière le Sacré-Cœur. J’ai passé un temps incalculable dans cette pièce et à cette fenêtre. J’y ai vécu des joies, des tourments et pourtant je m’en souviens comme d’un jardin d’Eden.
La mémoire est une chose étonnante. Se souvient-on vraiment de notre enfance ? Quels sont les souvenirs authentiques et ceux que nous reconstituons pour raconter une histoire qui nous convient mieux ? Questions un peu hors sujet qui me tombent dessus sans prévenir.