Qui a déjà joué à l’Eldorado ? Un jeu de capitaliste tombé dans le foyer d’un ouvrier communiste. On y jouait deux fois l’an, à l’Eldorado, à Noël et au Nouvel an. C’est un jeu pour adultes auquel les enfants aiment jouer. C’est un jeu de fin de repas. On y suit le cours de la bourse et des actions. Il y avait une drôle de carte que le joueur qui avait le plus amassé redoutait mais qu’aimait la petite fille : le joueur le plus riche donne au joueur le plus pauvre. L’Eldorado, seuls les hommes et les enfants y jouaient. Les femmes, pendant ce temps-là, rangeaient le repas et faisaient la vaisselle. Les enfants, quant à eux, jouaient tous avec un adulte avant de se lancer seuls, à un autre Noël ou un autre Nouvel an, dans ce jeu où le joueur le plus riche pouvait devenir le joueur le plus pauvre.
Le lait. Elle n’aime pas le lait, ce qui préoccupe sa mère qui ne sait pas quoi faire car elle, elle aime le lait, elle aime la peau du lait qui surnage au-dessus du lait dans le bol. Ce qui dégoûte sa fille qui n’aime ni l’odeur, ni le goût, ni la consistance du lait que l’on va chercher tous les deux jours à la ferme et qu’il faut faire bouillir en rentrant. Le lait, c’est l’anti-monte-lait en verre et la casserole où une matière brune se forme au fond, une fois que le lait a bouilli. Le lait, c’est ce qui finit au fond de l’évier au moment du petit-déjeuner, gentiment, en douce. Le lait, c’est ce que l’on boit avec du chocolat. C’est une robe bleu marine pour enfant de huit ans. C’est la robe des dimanches, du jour où on se lave les cheveux, on met des bigoudis et on tire sur les cheveux de l’enfant pour qu’ils fassent des petits rouleaux. La robe, quant à elle, fait très sortie de messe. C’est la robe de la petite moussaillonne, bleu marine donc, avec une collerette à carreaux et une ancre à chacun des angles de ce rectangle qui contraste avec le reste de la robe. L’enfant aime bien cette robe. Elle s’y sent toujours très bien. On l’avait achetée chez Mary Junior à Châteaudun, dans le centre-ville. Une robe qui a coûté cher et qu’on ne porte que le dimanche et pour les grandes occasions. Sa mère aime bien cette robe. Elle aime voir son enfant la porter. Elle fait très petite fille modèle de la bourgeoisie dunoise qui serait passée par Versailles. C’est une robe d’hiver, une robe de gigot flageolets ou de poulet frites. Il faut faire attention à ne pas se tâcher. Il faut être soigneux pour la porter, ce qui n’est absolument pas le cas de la petite-fille qui préfère quand même bien les jeans aux robes. Mais cette robe-là lui plaît car elle est à l’aise dedans