Objet : la disparition. Ou bien : c’est l’objet de sa disparition. Il s’impose, avant tout ce qui ne peut que suivre. Il s’écrit. Se revoit. Se reprend. Il est l’objet égaré pendant le déménagement non annoncé à l’enfant. Maison perdue. Son équivalent : miniature en coupe. Maison de poupée. Ancien cadeau en forme de boîte ouverte à tous les vents, donnant sur un intérieur sans doute cartonné. Mes petits compartiments sont des pièces reconnaissables aux pans de papiers peints sur les murs d’illusion, fleuris ou pas avec, contre eux, de tout-petits meubles révélant la destination : lit pour la chambre, chaises et table pour la salle à manger, cuisinière avec ses ronds de fausse fonte, lavabo et baignoire lilliputiens pour la salle de bains. Un peu de vaisselle bien plus petite et contenante que le moindre dé à coudre. Chaque chose à sa place. Mais aucune figurine, aucune silhouette dans l’espace cloisonné. Sauf peut-être un enfant de porcelaine trouvé en partageant une galette puis posé dans la coquille de noix qui sert de berceau dans le conte et dans une chambre du cadeau. Peut-être une maison faite maison mais comment savoir puisque perdue pendant le déménagement ? L’enfant la cherche partout au moment où sa vie est transférée sans explication, mais comme tout est sens dessus dessous dans le nouvel endroit, —celui qui sera le deuxième domaine—, il y a bien autre chose à faire, avec agitation. Alors, livrée à elle-même, l’enfant prend une craie, se réfugie dans le vieux garage glacial attenant à la grange, et commence à retrouver. Premières lignes blanches, un tracé en perspective. Lignes de fuite. Maison découpée dans le temps de la reconstitution. Je redeviens visible sur le mur humide du garage, trait pour trait. Avec la craie, apparaissent les éléments restés en mémoire. Me revoilà, en coupe. Impossible de dessiner la porte. Sur l’intérieur de la maison disparue on pouvait refermer le couvercle avec sa porte découpée. Mais la maison du mur est plaquée, sans les volumes. L’enfant écrit un nom en-dessous : illisible. Depuis, quand elle a grandi, combien de fois, dans les villes, ont existé les démantèlements comme autant d’équivalents : mise à nu d’un reste intérieur avant désagrégation, les spectateurs regardant sans bouger agir les engins de démolition. Dans les brocantes, se trouvent parfois des bribes de maisons enfantines. Ressurgit celle d’il n’y a pas si longtemps : c’était dans la bibliothèque de la maison de Victor, pour une lecture liée à l’exposition. A l’aplomb du livre, la spécialiste a préparé un objet inattendu, qu’elle présente d’une voix très douce. La maison imaginée par Louise et Victor pour Didine avec au-dedans des cartes à jouer pliées et transformées en mobilier, sans parler des tableaux minuscules sans doute peints par Edouard. On entre par les yeux et par l’oreille dans l’objet soigneusement conservé. Et quand on rentre chez soi, on le dessine de mémoire sur une feuille, sur le tard, comme sur le mur du garage. Titre du dessin : maison de Poupée (c’est ainsi que Victor appelait Didine).