Sa voix à peine. Sa voix me revient par à-coups, disparaît, se tait, revient. Floue. Éphémère, de forme incertaine. Mon oreille peine à en déterminer les contours, la tessiture. Plutôt aiguë au naturel, elle l’était un peu plus dans la joie ; ténue dans l’intime discussion ; basse et grondante, sourde dans la réprimande ou la colère. Elle se faisait alors métallique, nette, coupante. Parfois sifflante, faisant sonner les s. Je ne l’aimais pas chevrotante. C’était quand elle pleurait.
A dire vrai ce n’est pas une voix mais des voix d’elle. Toute une palette de couleurs de voix. De la plus solaire à la plus grise, transparente ou opaque, vive ou terne. C’est le souvenir que j’ai d’elle disant. Non pas d’une voix mais toutes ses voix, même quand je ne parviens pas vraiment à en retrouver la tonalité précise, le timbre, l’intonation, l’élan.
La voix indissociable du regard, j’entends je lis en elle, comme ils vont par deux, en résonance. Le regard souligne la voix, transmet l’intention quand elle n’est pas assez claire. Sourcil arqué ou paupières déliées, yeux rieurs, inquiets, agacés, fâchés, paisibles, ils sont l’écho visuel de la voix.
Quand je la cherche trop, sa voix m’échappe, elle fuit. Elle ne laisse happer qu’au détour d’un souvenir, d’une photographie, d’un mot qu’elle aurait dit à quelqu’un, d’un conseil, d’une dispute qui remonte à la surface sans prévenir, ou de l’évocation d’elle. Le moment où sa voix est la plus nette : un surgissement brusque, sans préméditation.
Je sais où la retrouver : dans les films de vacances, jamais plus entendus depuis que la voix s’est tu. Probablement déformée, probablement un succédané mais voix quand même.