Je dirais autour de Noël, à l’étage, ça parlait beaucoup, nous les petits, on ne nous avait rien dit, tenus à l’écart. Là haut, le ton était plutôt triste en cette période de guirlandes et boules dans le sapin. C’était trop loin pour qu’on puisse saisir même un mot mais tout d’un coup et tout juste un peu plus triste, une voix s’est mise à chanter. Quelle tête il a le garçon qui chante ?
Tu te souviens, nous en avons ri bien après l’enfance : une voix furibarde, une porte qui claque. Des haricots verts avec mon coq au vin ? Et puis quoi ?
Elle parle vite, j’ai l’impression que la voix éraillée qu’elle adoucit parfois comme si elle se rendait compte de son incongruité veut tout dire d’un coup la lune qui se lève la lumière du phare qui éclaire presque jusqu’à nous l’autre à droite tu vois celui-là il est sur l’embouchure les soirs de tempête quand l’eau du fleuve défie celle de l’océan les gardiens hurlent pour conjurer la peur du monstre d’eau. Mais de l’intonation de sa voix éraillée, de sa puissance, je ne saurais rien dire.
Ce qui les faisait le plus rire c’était les jours de ce qu’il appelait lumbago. Plié en deux, ils lui demandaient — tu as perdu quelque chose que tu cherches par terre ? Et puis un jour il avait perdu sa voix, ça ne les avait pas fait rire, quelqu’un qui ne pouvait plus parler ça leur avait coupé la chique.
Les voix sur la plage ont-elles le même son que dans la forêt ? Une Marie Laforêt est née pas loin d’ici, elle revient de temps en temps, on dit qu’elle a une voix d’or ou peut-être ses yeux, ils la croisent, ils chantent ses chansons à tue tête face à la mer, leurs voix, les paroles partent loin ne se laissent pas attraper, dans la forêt c’est plus près tu peux chanter doucement.
les voix à distance, les voix dans les grands espaces, les voix outrées qui feront rire : cette voix furibarde me dit quelque chose, et quelqu’un qui ne peut plus parler ( ça me parle aussi ) Merci
qui ne peut plus parler, chat dans la gorge, couper la chique…
« Mais de l’intonation de sa voix éraillée, de sa puissance, je ne saurais rien dire » et pourtant tout est dit et tellement bien dit.
Merci
Merci Marie.
La musicalité d’un joli petit conte de Noël
Merci Marion. Dans une nouvelle de Dubliners de Joyce, la dernière, je crois, une voix chamboule la soirée d’une femme et l’emmène ailleurs (c’est ce dont je me souviens). John Huston en a fait un film. Mon petit conte de Noël, une lointaine variante.
et les arbres t’écoutent…
et répondent parfois bruissement …
Les « chansons à tue tête face à la mer, leurs voix, les paroles partent loin ne se laissent pas attraper, », sensation dont je retrouve la familiarité grâce à la lecture. Merci. Et l’atmosphère de la première partie, tout un monde se déplie, on voudrait en savoir plus. Belle aussi cette brièveté, la frustration en filigrane de ce qu’on ne saura pas.
Merci pour ton passage, Anne.
quel beau dernier paragraphe !
et j’aime beaucoup ta question « Les voix sur la plage ont-elles le même son que dans la forêt ? », si beau et profond… ça m’ouvre des horizons…
Merci Françoise.
Je te souhaite des horizons bavards de voix silencieuses et hurlantes.