Loin – Ceux qui ont disparus de n’être plus et ceux qui ont disparu d’être loin.
Écran – Cherchant une voix c’est un visage qui revient, et plus qu’un visage une image, une image sans mouvement.
Noms – Tu cherches des voix mais ce sont des noms qui viennent, ce sont des lettres que tu écris.
Honte – La seule voix qui revient nettement depuis l’enfance est celle de Werloche, perchée de peur. Je pourrais même la décrire, la cerner de mots, elle est restée imprimée : honte rétrospective.
Remords – Elle dit, on dit elle dit, mais elle écrit, elle a écrit, tout est au passé. Elle a écrit et c’est le début du livre : Mon conseil, le seul que j’aie jamais donné dans un livre, vous servira un jour, j’en suis sûre. Mais de ta voix, la première que j’ai entendu, avant même de naitre, il ne reste rien, je ne l’ai pas enregistrée même si j’avais lue cette phrase quand tu étais encore là.
Apocryphe – Un texte intitulé Le grain de la voix, en tête d’un recueil de textes posthumes de Roland Barthes. Le recueil existe et porte ce titre, mais le texte n’existe pas. Je m’en souviens pourtant.
Écume – Des écrivains aimés, ne pas aimer entendre leur voix qui parasite celle silencieuse de leurs mots, comme si elle en était la dépouille.
Désir – Revient la voix de femmes désirées par le désir qui passait dans leur voix.
Je ne sais quoi – Du chanteur mort, au delà des mélodies, des mots agencés d’une manière singulière,, ôté l’accent, à la fois du début du Sud et de la montagne, la lenteur due à la placidité caractérielle, reste ce tout petit peu d’irréductible.
Voix de son maître – La voix du Mexicain, faible le plus souvent, s’élevant seulement dans le rire ; insidieuse, j’y ai obéi, avant de me sauver.
Ponge – N’a rien dit des voix, lui qui a échoué au Grand Oral pour mutisme.
Lieu – Mot lu dans les romans, compris, mais jamais il n’y avait d’antichambre dans les lieux de l’enfance. Avec l’âge, on devine que les voix font l’antichambre des oublis.
Copie – Elle est encore ici, au bord de son propre siècle, et très loin. Chaque fois que j’entends la voix de l’histrion, je retrouve la sienne, pourtant ni outrée ni prétentieuse.
Gratitude – Jamais entendu la voix du père arriver au cri ou au hurlement.
Rêves – Dans les miens, les voix sont sans couleur.
Mue – l’enfance est perdue avec sa voix.
Le formalisme du texte et sa sobriété, comme une mise à distance de l’intime, donnent une véritable force à ce texte. Merci pour ce moment de lecture.