Ma voix est faite de la voix de défunts aimés unis à jamais. Voix souvent évoquées mais réduites à ce seul mot. Tenter de les retrouver chacune dans leur singularité. Les entendre n’est pas donné sur le champ, les rechercher inlassablement, parcourir la jungle des sons, des timbres, des rythmes assemblés. Comment extraire de soi les voix familiales enfouies ? Nécessité d’une sorte d’état de transe pour les approcher, entendre la note, le grain de chacune. Les approcher par paliers, revoir le regard, la peau, la gestuelle, la façon de marcher et parvenir parfois à les entendre. Celles de ma mère, de mon père, de ma grand-mère, de mon grand-père. Je sais que ce sont elles qui ont principalement forgé la mienne. Je voudrais entrer dans leurs voix singulières, sortir de la fusion qui s’est opérée en moi.
J’y suis presque, je l’entends la voix de ma mère, poursuivant en sourdine son parcours tendre, je l’entends dans le jardin des Plantes, me cherchant inquiète dans ma cachette sous un arbre. S’approcher du plus singulier, du grain de sa voix, une douceur, une articulation sans effort, une clarté, une fluidité, une mélancolie aussi. Émue dans l’étang de la voix de ma mère.
La voix de mon père, simple, directe, légèrement accentuée d’occitan, maitrisée. Je ne veux pas entendre celle du jour où je l’avais trouvé affectée, artificielle dans une inauguration, je ne la reconnaissais plus, une voix de maire sûre d’elle en effaçant son accent. Je ne veux pas entendre non plus celle de la fin de sa vie, une voix devenue molle et barbelée de toux. Je veux entendre sa voix de vie, me plonger dans la garrigue de sa voix sèche, piquante, forte et tendre à la fois. J’y suis presque.
Mon grand-père parle lentement, ma grand-mère très vite, elle va toujours droit au but, – voyons que devons-nous faire aujourd’hui, prends le panier, on va cueillir les grenades, dépêche-toi. Dans le chemin des grenadiers de sa voix, ma grand-mère égrène les mots nombreux et colorés, sa voix est haute, bien rythmée. – Ne bouscule pas cette petite, tu as le temps, laisse-la vivre à son rythme, dans le jardin de sa voix mon grand-père pose les mots avec grâce et lenteur.
Je vous cherche toujours je vous écoute dans la tendresse de l’entrelacement de nos voix.
« Je veux entendre sa voix de vie »
« dans l’étang de la voix »
« dans le jardin de sa voix »
Très touchée par ce texte et tous ses trésors d’une douce poésie.
Merci Huguette.
Merci Marie, très touchée par votre appréciation.
Ce travail sur la voix m’a vraiment transportée dans mon enfance
oui tu as vu, par le regard aussi hein… merci
le chemin du regard pour appréhender la voix reste à explorer, travail à poursuivre
merci Piero de ton écho
Ces portraits de voix singulières me touchent infiniment . Ces portraits font surgir d’autres voix singulières. Merci Huguette
Toutes nos voix se répondent
merci Nathalie de ton passage
j’aime beaucoup la reprise du « j’y suis presque »
je l’aime tellement que j’ai le sentiment que le texte aurait pu se jouer sur cette répétition, le sentiment aussi qu’il pourrait commencer avec cette phrase-là en tête du deuxième paragraphe
chouette le passage au « vous » en tout dernier (et je me demande s’il n’aurait pas pu déjà être présent au tout début)
des nuances pour un beau texte, des nuances pour avancer, continuer le travail toujours…
Tu m’ouvres un nouveau chantier chère F.
je vais voir ce que je peux faire
C’est superbe Huguette… et c’est ça, exactement, la difficulté et nos tâtonnements
tellement merci de votre avis Brigitte,
encourageant
Beaucoup aimé ce textes, ces voix qui vous reviennent, qui se distinguent, qui parlent si tendrement de vos aimés. A moi aussi, ce sont des images qui se sont d’abord imopsées lorsque je recherchais la voix de mes proches. Comme une image de ce qui n’en ‘a pas.
Oui des images parfois floues qui se sont affirmées peu à peu et dotées du son de la voix
merci de vos mots
Grain, égrène, grenades… On prononce avec toi, avec toi on cherche à retrouver le timbre. » Comment extraire de soi les voix familiales enfouies ? », c’est beau et tu progresses de façon à nous permettre de te suivre. On les voix à partir de leurs voix. Merci, Huguette.
merci Anne de ton passage, oui les grenades m’ont parlé et je cherche encore et encore leurs voix