Le nom des voix qui appellent Malice est écrit dans le carnet noir. Elles passent par le combiné (passe-moi le combiné, Mousy) et ça sonne dans toute la maison. La sonnerie arrête Malice au milieu. D’une tarte, les mains blanches (décroche pour moi, Mousy, tiens le combiné, oui, je suis avec mon petit-fils, le petit oui). D’un brushing, mais il faut crier par-dessus le sèche-cheveux du salon : Malice ! ça appelle ! Et même la nuit, pile au milieu du conte conte quand le dragon, mais là, Malice tient bon (oh, ça ira comme ça, il nous embête avec leur téléphone). Preuve que c’est le téléphone des voix qui appellent, sûrement pas celui de Malice, même si elle a fait du mieux qu’elle pouvait avec un petit meuble dans l’entrée où elle peut se poser sur un coussin de Provence, avec Ça-chat heureusement sur les genoux et un petit tapis d’où j’écoute tout par le yoyo cassé de l’appareil (tu n’es pas bien comme ça dans les courants d’air…). Quand les voix sont muettes, l’écouteur peut aussi faire souris sur le tapis (tu joues à ça-chat et Mousy ?), ou le pendule devinatoire pour retrouver mon frère sur la carte du tapis. Il est en BA-KE-LITE, bien lourd, le mot rend le gris tout beau, comme un éléphant qui a peur d’une souris. Parfois, il faut parler à la voix des mère-père à l’étranger dans le combiné. On a rien à lui dire, mais on fait un effort. On raconte les coquilles des journées, mais pas question de dire les secrets qui sont passés dedans. Tous les escargots sont partis vivre leur vie de limace ou de papillon, ça lui suffit à la voix de mère-père. Une fois, j’ai essayé de lui dire BA-KE-LITE pour être gentil (c’est grand-mère Alice qui t’apprend ces mots ? Elle t’a fait réviser tes tables au moins ?), mais c’était décourageant. D’autre fois, on appelle le plombier de la chaudière encore en panne (quelle vieillerie, on dirait ma sœur) et plus tard, le vrai plombier se présente à la porte, comme par intuition. Quand la voix de Queeny appelle, on est banni de l’écouteur. Ça vexe, mais l’âge en secret, on rampe en sioux sur le tapis et puis en planque derrière Ça-chat, on entend pas mal. Le meilleur c’est tous les gros mots de Malice quand elle raccroche la voix de Queeny au nez. Longtemps, on a mélangé flair et blair. Maintenant, c’est clair, Mousy a du flair (avec ses longues moustaches de petite souris qui rit, qui rit) et Queeny ne deviendra jamais Premier ministre en Angleterre (quelle conne ! ça fait soixante ans que ça dure ! Je ne peux plus la blairer).
Me plait infiniment ! ( mais pourquoi pas au présent qui enleverait tout plus …..légèrement ?
C’est qu’à bien y regarder… il n’y a qu’une seule phrase au passé
( si je peux me permettre )