Ne plus compter sur ses doigts pour aller au delà de dix
La rencontre sensuelle avec le chat qui vient frotter son museau sur mes joues
La chienne bergère qui me laisse tirer sa queue et accepte d’être mon cheval
L’ours Popov qui me laisse gagner chacune de nos bagarres et s’endort toujours avec moi sans rancune
Une étroite et fraîche baguette de pain,tranchée en deux, emplie de beurre et de confiture d’abricots
Chaleur et murmures du bois dans la grande cheminée de la grand-mère riche
Saveur des tranches de panisses frites à l’huile d’olives par la grand-mère pauvre
Une pièce lumineuse aux odeurs de roses permet de se laver sans être debout dans la cuisine à avoir froid
La pierre lancée sans viser vraiment faisant mouche sur la tête du plus grand qui nous traitait de macaroni à la sortie de l’école
Premiers exemplaires du journal jaillissant de la ronéo à alcool de notre instituteur freinetique et les réponses de nos correspondants africains
Les fruits mangés dans l’arbre, l’abondance rouge du cerisier, la fragilité des branches du figuier
La lame rouillée de la faux qui m’épargne et se plante au dessus de ma tête dans la terre où je suis étendu
Cette odeur des pommes qui patientent dans la chambre obscure des arrières grands-parents
Les feuilles, les fruits, les fleurs du grand tilleul où viennent les abeilles
L’eau calme et sale du vieux port entre deux barques amarrées où je tente de prendre la mer sur une palette de bois pourri
Les étals abondants du grand marché où enfin seul je peux tout regarder, tout écouter, tout voir, tout entendre
Les étranges dont les pages n’ont pas été découpées et tous les autres qu’il suffit d’ouvrir et de lire
Codicille : je ne suis pas sur qu’ouvrir les bocaux de l’enfance soit toujours satisfaisant. Le risque de s’y retrouver et/ou de s’y perdre est trop grand. Trop effrayant aussi ce que peuvent dire nos émerveillements dans ce qu’ils ne disent pas : en creux mes émerveillances ne soulignent-elles pas des absences ? Aucune envie que celles-ci viennent me sauter à la gorge après soixante-dix ans d’efforts pour les garder en conserves.
Le chat, la chienne, l’ours, la baguette et la confiture d’abricot, comme tout ça me parle et aussi le codicille, ouvrir ou pas les bocaux. Merci
Merci Isabelle. Peut être ne faut-il ouvrir que les bocaux de confiture ?
me suis souvenu, me suis attendrie, j’ai envié (le journal)
merci
Merci, merci Brigitte. Mon instituteur militant de la pédagogie Freinet, reste toujours dans ma mémoire : il s’appelait monsieur Menusan.
ça a du bon, parfois, les néologismes !
Tout à fait d’accord avec toi François mais ici ce n’est pas le cas. Emerveillance n’est pas un mot nouveau. Ce n’est pas un néologisme, mais un hapax sous la plume de Georges Sand en 1853.
Source: https://www.cnrtl.fr/definition/émerveiller
ce matin j’en apprends des trucs : « hapax » merveilleux!
( et j’adore les cornichons aigre doux les Polonia – les Hugo (c’est pas un hapax) … mais c’est nouveau )
« L’abondance rouge du cerisier « quelle magnifique image … la faucheuse qui passe tout près, le caillou qui ne manque pas sa cible, le réconfort de l’ours et le goût des panisses ( c’est quel goût d’ailleurs ?) … la confiture d’abricots avec de gros morceaux si possible et l’arbre où viennent les abeilles… se risquer à ouvrir un bocal de l’´enfance pour l’aigre et le doux … ou le doux et l’amère et toutes les absences . Merci Ugo
Et l’arbre rouge de Mondrian version austère de la tentation
Très grand merci Nathalie Holt de vos retours et de vos écritures. Oui l’aigre, le doux, toutes les absences, l’amer(e) (merci Lacan) dorment dans ces bocaux à risques. Je les tiens à distance parce que je ne sais pas, faire comme vous savez si bien le faire, en choquer des fragments si fort qu’ils deviennent littérature. Merci Nathalie de m’encourager mais je n’irai jamais plus loin que le pot de confiture avec de gros morceaux dedans ou manger des cerises sur un arbre perché.
Merci pour L’arbre de Mondrian et merci surtout pour la forêt de vos textes et les chemins qui y conduisent. Merci Nathalie Holt.