La boîte de Pulmoll rouge cachée derrière les bouquins, l’avaler toute entière. Croquer chaque pastille, en faire du caramel qui colle aux dents. Se dire que cela rendra malade, forcément. Dire, d’une voix neutre : je me sens pas bien. Avoir entendu qu’un virus circulait, qu’ils tombaient tous comme des mouches, les enfants. Alors, rester allongé dans son lit, des Pulmoll plein la bouche. Mâcher, mâcher. Tomber malade, il le faut. Résister à l’ennui. Se rendre faible, rendre mou son corps. Perdre son regard dans le vide même quand il n’y a personne pour regarder son regard. Compter les fleurs de la tapisserie. Compter les motifs rectangulaires de la couette. Imaginer son enterrement. A l’école, se dire que certains s’en voudront, qu’ils l’auront bien cherché. Refuser le déjeuner qu’on apporte sur un plateau. Ignorer le regard irrité de la mère. Ne pas regarder l’épisode de l’après-midi à la télé. Ne pas ouvrir de BD. Confirmer ce que pensent les parents, de toute façon. Pas assez costaud, pas assez sportif, pas assez social, pas assez intelligent, pas assez entreprenant, pas assez résistant. Être ça. Rester sous la couette, le chauffage à fond. Supporter la chaleur. Picotement de la sueur sur la peau. Allumer sa lampe de chevet, approcher le thermomètre de l’ampoule, faire monter le mercure. Pas trop. Le faire descendre d’un geste sec. S’y reprendre à plusieurs fois. Atteindre 39 degrés, pas tout à fait. Ne pas en faire des tonnes. Ne pas gémir. Ne pas tousser. La nuit tombe. Le verdict tombe. Pas d’école le lendemain : une évidence. Avaler un Efferalgan sans broncher, reconnaissant. Se sentir fatigué, pour de vrai. Entendre la télévision en bas, le bruit de l’eau dans le radiateur et hurler un chien dans la nuit glacée. Boire un lait chaud avec du miel. Dormir, enfin. Et se réveiller malade.