Ne pas bouger, rester au fond du lit. Il est tard, et alors ? Rester et ne pas bouger. Ne rien faire. Ne voir ni mur, ni armoire, ni lumière vacillante qui passe sous, perce à travers les persiennes, à travers les couches de tissus qui font pelures d’oignon, couche sur couche en superposition. Ne pas ouvrir les yeux. Au pire les refermer immédiatement. Au pire faire semblant de dormir. Couverture relevée sur le visage, enfoui, le corps chien de fusil, c’est ligne floue, courbe sous les draps. Douce torpeur qui gagne les membres. Garder l’immobilité. Garder le silence. Garder le lit. Mais non, pas malade,juste une délicieuse paresse, un engourdissement voluptueux. Paresser, c’est faulenzen. Paresser, en révisant son allemand, c’est se donner bonne conscience, avec une mauvaise foi parfaitement maîtrisée. C’est surtout jubiler contre l’oreiller. Et tracer cercles avec la joue, creuser trou où se loger, bien calé. Empreinte durable, au moins jusqu’au petit déjeuner que l’on prendra tard. Le plus tard possible avant que la mère ne vienne nous tirer du lit. Chambre close encore, border soi-même un pan de nuit dont on se couvre, dont on se vêt. S’y glisser encore comme dans un rêve qu’on voudrait rejoindre sans y parvenir. S’y glisser comme dans une fluidité molle, dans laquelle on se moule, se mouvoir sans quitter son lit. Gagner sur le jour quelque minutes supplémentaires, invariables de non attente, de passivité consentie, d’absence de regard. Désirer l’absence. Et la solitude de la chambre.
« border soi-même un pan de nuit dont on se couvre, dont on se vêt. » C’est exactement ça, le charme de la grasse mat
Faire durer le plaisir de l’éveil…
Oh, surprise, de maladie aucune. Contre-pied. Le corps dans le lit, ahurie de tout ce qui est évoqué et comme c’est beau, beau à sentir tout parfaitement. Ces infinitifs et une répétition et tout qui fonctionne si bien. Passivité consentie. Merci.
Merci Anne