I
Éveillée. Adossée dans l’ombre striée de la chambre. Dehors, le ciel indigo et dessus, en filigrane, la découpe brune des arbres qui s’agite. Une brûlure de lumière scinde la pièce par l’entrebaillement.
Éveillée, mais calme. Il n’est pas si tard. J’entends encore le bourdonnement des grands qui s’attardent dans la cuisine, le tintement des couverts, et l’ourlet de leurs bruits me borde. L’un d’eux finira par monter et poser la main sur mon front chaud. Alors je patiente, remuant, me retournant, m’extirpant des draps, puis m’y enroulant de nouveau.
Bientôt, le sommeil m’atteindra comme une poignée de poudre. Je tomberai dans le rêve qu’on m’aura désigné.
II
Éveillée, pourquoi. Il lui faudrait se résoudre, s’évanouir un temps, comme pour apprendre comment on fait néant. Mais elle craint de ne plus savoir dissoudre le vide, réanimer le souffle, effacer la poudre au coin des yeux. Chaque soupir, une goulée qui gonfle le torse, comme on s’accroche aux bouées qui vaguent dans la mer.
Elle le sait, qu’elle vit. Mais quand elle énonce le mot — vie — elle ne peut faire autrement que penser à son revers.
III
Éveillée. Elle résiste, et ses sens l’assaillent, le brun et l’or, le bruit et le silence, les masses floues et les angles aigus, tout est plein et contraire à la fois, elle veut tout embrasser.
IV
Mais pourquoi lutte-t-elle toujours durant des heures presque interminables, alors qu’elle sait que fatalement, elle finira par s’endormir ?
Ce n’est pas qu’elle a peur. Et ce n’est pas non plus qu’elle manque de fatigue. J’ai vu les nuits grandir avec elle, j’ai vu les âges lutter pour ne plus combattre.
Je me souviens des mille ciels qui se sont levés avant qu’elle s’endorme. Cet instant de bascule : quand les premières lueurs émergent, elle peut enfin s’abandonner. Comme lorsque l’enfant qu’on veille est enfin guéri.
Alors le sommeil devient consolation.
La nuit miséricorde.
Oh merci Camille, oui c’est bien ces 5 fois, comme celle de Bonnefoy, donne envie d’y revenir…
Chez vous on retraverse les pistes données, merci!