La mamy de Malice, c’est difficile, concentre-toi, c’est difficile, parce que ça vaut la peine, Malice, on dirait pas d’abord, mais si tu regardes bien, tu vois qu’elle a une petite-fille dedans d’autrefois, tu ne la vois pas quand elle gronde ou quand elle parle avec Queeny pour l’hôpital et le Grand D’hombre qu’est-ce qu’il fait encore là, et mêle-toi de tes affaires ma vieille, quand Malice parle avec Queeny ça barde et la petite-fille, elle se planque tout au fond de Malice, à les voir Malice et Queeny dans ces moments-là on ne pense pas qu’elles ont eu une mamy, et la même en plus, on se cache avec ça-Chat sous le lit et on écoute l’oreille au sol comme des sioux ce qui se passe en bas… Mais quand Malice éternue, ou dès que les parents ont tourné le dos après avoir dit et redit non, non, non, il ne doit pas sortir cet enfant, il ne doit pas aller chercher des tunnels dans le métro (par exemple), là tu vois la petite-fille de sa mamy dans Malice. C’est plus dur d’imaginer ses parents, ailleurs qu’en photo, et la photo, elle fait peur, la mère de Malice était belle-des-films-d’horreur avec des yeux presque blancs et des cheveux presque blancs, même toute petite. Mais on ne va pas se casser la tête pour eux, c’est pour la mamy de Malice qu’on fait un effort, parce que c’est elle qui a construit la maison sur les cendres. Elle était probablement très forte, mais pas très riche, alors elle a pris une maison brûlée et elle a mis un paquet de frousse, tout ce qu’elle avait avec sa couture, sur la table pour la payer. C’est compliqué, parce qu’on ne voit pas bien pourquoi la table a pas brûlé, peut-être que c’était une table en chêne toute noire au milieu des ruines et après la mamy de Malice a construit la maison à la force du poignet autour. Ça en bouche un coin. Mais je dis ça parce que : elle était pauvre, elle achetait des demi-baguettes et elle travaillait la moitié de la nuit sur les coutures des autres en plus de la boucherie la journée, alors la maison, au début, ce n’était qu’une moitié aussi. Il y avait une porte, dans la cuisine, et par-là c’était déjà la fin de la maison, pas comme maintenant, tu allais sur un balcon tout mince au bout duquel il y avait des toilettes à vertiges avec un trou par terre un étage en dessous. C’est Malice qui le dit, je ne vois pas pourquoi elle mentirait. Les parents disent tout le temps qu’elle a fable, le génie pour les histoires, mais c’est par jalousie, et j’espère que Malice aura pitié et leur laissera dans le lait du notaire, parce qu’ils en ont bien besoin de fables. Maintenant, la maison est entière et la porte sur le balcon étroit, c’est un placard dans la cuisine. Donc compte sur tes doigts, mon arrière-arrière-grand-mère, quand elle était jeune, il y avait une porte du balcon, et après quand elle était mamy de Malice, un placard de cuisine. Dedans le placard d’après, grand comme une grotte, elle gardait en dragon une boîte en fer blanc, dessus l’émail crème, une frise de petites roses. C’était la boîte du chocolat. Son format est idéal pour pouvoir en sortir une grande tablette sans se râper les doigts contre les arêtes coupantes. Mais il est arrivé un moment pendant la guerre, la deuxième, la mondiale, où il n’y avait plus de chocolat pour Malice petite. La boîte attendait sur la deuxième étagère de la pointe des pieds les bras tendus. Une fois par semaine, pas plus, Malice petite l’ouvrait tout de même, pour respirer l’odeur, l’odeur du chocolat, du souvenir du chocolat et de l’absence du chocolat, d’un seul coup. C’est pour ça que Malice ne croit pas trop au placard. Elle dit : sans les étagères, il tiendrait un homme là-dedans, et elle ne dit pas qu’il pourrait sortir par le souvenir du balcon et même par l’absence du balcon, qu’il y a forcément un passage sinon comment ça-Chat pourrait aller et venir à sa guise sans que personne sauf moi ne le voie ? Et qu’est-ce qu’on irait chercher dans le métro si ce n’est pas le couloir par où on passe partout ? Et pourquoi les parents insistent qu’il faut fermer la porte du placard, que ce n’est pas possible ces portes jamais fermées qu’on se les prend dans la tête et dans les genoux chez Malice ? Pour rien au monde, elle ne fermerait la porte du placard, et c’est toujours ouvert pour aller voir la poire dans la bouteille d’alcool accroupi, ou les boîtes en fer des gâteaux et les paquets de farine à tâtons sur un petit tabouret pour la pâte à tarte. Et s’il y a besoin de se cacher.
ne trouve à dire, pendant que mon sourire s’efface lentement, que : délicieux et tant pis si Malice et tous trouvent ça idiot
Je trouve plutôt ça réconfortant. Merci Brigitte.
rien à dire sinon que la pluie icie ici et le silence permettent de lire de bes morceaux de monde que tu donnes et f, c’est une Joie
ne sachant comment reprendre erreur dues à doigts surgelés, les laisse à l’avenat ….
Mais depuis quel igloo nous écris-tu, chère lectrice ?
Une simple panne de chauffage !