Ma mère me traînait dans les magasins pour préparer cette journée si spéciale. Elle tenait la petite robe sur un cintre, la posait contre mon dos à hauteur de mes épaules, imaginant comment elle tomberait sur mon corps de sauterelle. L’achat de la tenue que je devais porter le grand jour était une affaire sérieuse. Quelques jours plus tard, je tiendrai la main de mon père dans la mienne, chaude et ferme, nous marcherons fièrement l’un à côté de l’autre masquant tout émoi. J’avancerai la tête haute en faisant claquer mes chaussures en cuir encore raides de ne pas avoir été portées.
Au terme d’une journée de déambulations de boutique en magasin, je guettais le moment où l’on ouvrait les sacs plastiques du supermarché où l’on avait acheté les fournitures. Je sautais plus que je ne m’asseyais sur une chaise, j’appuyais mes coudes sur la table de la salle à manger et j’écoutais avec délice le bruit du plastique qu’on manipulait, j’admirais les pochettes qu’on ouvrait, je humais les odeurs d’objets neufs que je regardais comme un trésor qu’on étalait sous mes yeux écarquillés. Les feutres et les crayons de toutes les couleurs qu’on marquait à mon nom, la main de ma mère coupant le ruban adhésif, collant mon nom sur chaque morceau. Le double décimètre, les ciseaux à bouts ronds, le taille-crayon qu’on déballait. Je restais sans voix lorsque l’on rangeait toutes ces merveilles dans le cartable exhalant l’odeur du neuf.
Ces effluves marquant la rentrée des classes restent gravés dans mon esprit comme les fragrances d’un jardin d’Eden à jamais disparu. Elles me reviennent parfois lorsque je passe devant un arbuste aux papillons, autre odeur de l’enfance en colonie de vacances.
Très joli texte qui m’évoque bien des souvenirs, et aussi l’arbre à papillon. Merci
Merci Isabelle, la puissance des odeurs dans la remontée des souvenirs est remarquable.