Des armoires comme des portes sur le passé, des armoires pleines, remplies de vêtements et d’objets acquis avant même que tu sois de ce monde, qui témoignent d’une vie que tu n’as pas vécue, côté garde-robe tu pourrais presque y entrer, pour rejoindre cette vie, l’explorer, tu vois des vêtements que ta mère porte et d’autre qu’elle ne met jamais et tu ignores pourquoi, côté lingère rien que de très banal, des chemises de nuit, des pyjamas, du linge de corps, des draps de lit. Oui, mais il y a ce tiroir sous l’une des planches, un tiroir à l’anglaise doublé de velours vert foncé qui t’attire, un tiroir avec un creux qui remplace la poignée, il suffit d’y plonger les doigts pour l’ouvrir mais tu ne te souviens plus si tu l’as fait et tu ne te souviens plus de ce qu’il contenait, des effets personnels très certainement, des souvenirs, tes parents conservaient beaucoup de souvenirs, un chausson de bébé peut-être aux couleurs passées comme sa vie éphémère, puis sous une pile de vêtements le coffre-fort où ta mère rangeait dans des enveloppes les quelques économies, mais aussi dans une enveloppe encore, une épaisse mèche de cheveux acajou, ta première mèche de cheveux, dans une boîte une chevalière de ton grand-père, sous d’autres documents le livret de mariage de tes parents. Les objets, tu les touchais à peine, la mèche de cheveux peut-être, mais ta mère te les montrait volontiers. Comme la boîte à bijoux en argent doublée de velours grenat, elle ne contient pas de bijoux de valeur mais qu’importe, il y avait un bracelet, des médailles de saints, des boutons de manchettes et un beau pendentif, tu pouvais les toucher, les prendre en main, et le pendentif tu l’as même porté, ainsi le passé rejoignait ta vie présente, et tu ne comprends pas pourquoi, ce pendentif tu l’as perdu.