I
La chambre de Mamie sent l’eau de cologne et un peu les pieds. Il est défendu d’y entrer sans sa présence. Quand je la suis, elle s’agace. Je fouine dans les recoins, tripote les bibelots.
— Ici on touche avec les yeux, dit-elle en faisant gros les siens.
Je me hisse sur le lit étroit et rebondis comme un petit diable.
Ses montants sont surmontés de grosses boules en métal doré.
— Il y a quoi là-dedans ? je demande en désignant l’une d’elles.
— Un poussin ! réplique-t-elle sèchement, pour me clouer le bec.
Je toque en cachette, j’écoute, mais rien n’y remue.
II
Ce soir, c’est loto.
Mamie s’agenouille devant l’armoire normande. Elle est si grande qu’elle contient toutes ses affaires. Maintenant, il lui faut extirper le large tiroir du bas, celui des trésors, en évitant de le bloquer.
Il cède. J’épie.
Mamie palpe la garniture comme des fruits, dépapillotte les babioles et les aligne sous mon regard friand. Je lorgne, je brûle que tout m’appartienne : le petit savon à la rose, la chaînette dorée, la boîte à thé, le calendrier chinois. Mais il faut attendre mille ans avant de pouvoir les gagner.
Un délice ce texte.
Le poussin dans la boule en métal doré du lit. « Je toque en cachette, j’écoute, mais rien n’y remue. »
Le fait de devoir attendre 1000 ans pour gagner les babioles de mamie.
Merci.
merci Françoise. Aujourd’hui Mamie a mille ans et les poussins se sont envolés vers d’autres chambres. C’est doux d’y retourner, malgré les pieds.