Pauline a une nounou. Elle a un prénom tout doux, quelque chose comme Dorothée. Elle vient chercher Pauline à l’école, elle l’amène au parc, où l’on arrache des boutons d’or et où on grimpe sur le toboggan, et la ramène à la maison. Elle n’a pas besoin de crier pour que Pauline vienne à elle. Elle semble toujours l’attendre et Pauline nous dit toujours avant de nous quitter : « Elle m’attend, je dois y aller. » Alors nous regardons la nounou de Pauline de loin, qui effectivement l’attend patiemment. Quand nous sommes invitées chez Pauline, elle nous fait des crêpes. Elle a les cheveux bruns et gris. Elle sourit ou plutôt son visage sourit sans que les lèvres ne se retroussent. Elle a cet air de bonté tranquille qu’on pourrait appeler bienveillance. Pauline l’aime beaucoup et elle a de la chance de l’avoir, sa nounou rien qu’à elle.
Régulièrement, nous allons à Garches, chez le docteur. Le docteur Delcourt a une voix grave, des cheveux gris sur les tempes et des lunettes. Mais il a surtout des mains velues : elles sont recouvertes de poils longs alors même qu’elles se finissent par des doigts filiformes et tout blancs. Dans son cabinet, une odeur qui semble venir de lui, un peu doucereuse, de café et de grand air. L’ambiance dans son cabinet est feutrée, il ne faut pas y faire beaucoup de bruit. Lui-même respecte cet interdit. Sa blouse blanche met en avant la finesse de ses bras et de son buste. Il porte toujours des chaussures noires vernies. « Attention c’est un peu froid ». Il a les yeux bleus et des poils dépassent de ses narines comme de ses oreilles.
Pascal n’aime pas passer son temps au salon avec les autres adultes. Quand il s’extrait de la fête, il va dans sa chambre, la chambre des parents et quand il y est, nous nous glissons à l’intérieur. Il nous regarde à peine alors que nous sautons sur le lit. Parfois il rit mais jamais il ne saute avec nous. Il a plus souvent les yeux fixés sur son ordinateur. Il y joue à un jeu à plusieurs, quelque chose de magique rempli de costumes. Il est un sorcier. Quand nous faisons trop de bruit, il arrête de jouer et met de la musique. « Ah oui, vous allez aimer ça. Ça c’est de la bonne musique. » Sur l’ordinateur apparaissent alors des spirales de plusieurs couleurs évoluant au rythme des sons. Pascal a plusieurs visages : celui qui fronce les sourcils, celui avec la bouche en avant dans un mime de réprobation, et celui du rire franc qui vient du nez et qui claque dans l’air.
L’écriture de fragments, avec de petites focales à hauteur d’enfant, me semble très intéressante dans vos textes. J’ai pris plaisir à découvrir ces personnages venus de loin.