La main à quatre doigts, roses et décharnés, de Gaston. Son mégot de tabac brun qui tremble un peu entre le pouce et l’index. Son œil serré, bleu pâle, qui me scrute avec malice. Au bord du cendrier.
Le docteur Garrin c’était la sacoche en cuir, le bruit de la boucle rabattue, une voix douce, économe, un peu joueuse. Ce regard pénétrant qui disait : pas de cela avec moi, jeune homme… La main qu’il posait sur le ventre — toc, toc… toc, toc — et des instruments, froids et précis, qu’il collait sur la poitrine ou glissait dans les oreilles. Aussi le portefeuille à ordonnances, le capuchon et la plume, les mots reconnus à la fin de la consultation : pénicilline et eucalyptus.
Madame Dervaux est l’ennemi de la famille. Un grand cheval de femme, toujours harnachée d’un fichu — je la revoie, traversant la rue, de son pas bancal et décidé — ou d’un tablier à larges poches — debout et matrone, les poings sur les hanches, en haut de ses deux marches d’escalier. Ma mère est fâchée avec à peu près tout le voisinage. Question de caractère, de différence de milieu social, de franc-parler. Madame Dervaux a levé la main sur moi. Les circonstances sont oubliées depuis longtemps. Je dois avouer, ici, que je ne fus peut-être pas totalement innocent dans cette affaire… On parle chez moi de porter plainte. Il faut marquer les esprits. Alors on met en scène la gifle reçue. Maman me dit, désolée, qu’elle devra écarter les doigts pour qu’on les voie bien, sur la joue, tu comprends. Je n’ai pas bronché.
mais dis donc ça revient en foule les souvenirs ! Bravo !
Merci Danielle : je vais essayer de garder – et de mériter – ma place dans l’atelier. Même si l’enfance n’est pas mon thème de prédilection.
Des croquis efficaces, vivants. Plaisir à vous lire. L’œil serré, la malice , l’ennemi de la famillle, les doigts bien écartés, je n’ai pas bronché… J’aime beaucoup