La grand-mère maternelle
La grand-mère maternelle habite une case en bois sans eau et sans électricité posée sur quatre grosses roches. L’enfant rechigne à y aller. La grand-mère n’a pas de temps pour les enfants. Elle les embrassent avec le bout de son nez et ne leur adresse jamais la parole sauf peut-être pour demander si ils travaillent bien à l’école. La grand-mère maternelle reçoit la mère, sa fille et son enfant, assise à une table ronde pour quatre, un bras posé sur la toile cirée. Avec la chaleur quand elle décolle le bras pour lisser la nappe qui n’en a pas besoin et balayer du plat de la main des miettes imaginaires pendant qu’elle parle, sa peau noire se décolle avec un bruit de succion. Tout est sombre chez elle et l’odeur est pesante. Quand la nuit tombe elle allume la lampe à gaz posée au milieu de la table. Le manchon à incandescence surprend l’enfant quand il s’allume. Avant la grand-mère avait une lampe à pétrole qui faisait moins de bruit. La lumière en était plus douce aussi. La mère en voiture s’arrête quand elle voit la grand-mère porter de lourds sacs en plastique. Ils sont trop lourds. La mère peut à peine les porter. Elle ne sait pas comment fait la grand-mère pour porter ses courses sur des kilomètres à pied. Parfois elle porte sur sa tête un panier qui tient en équilibre sur un foulard qu’elle a enroulé de manière à bien caler sur le rond qu’elle a formé qui un seau d’eau, qui un cageot de légumes pays. Elle a la peau plus noire que la mère, plus noire que l’enfant. Elle sourit peu et quand elle rit l’enfant a peur à cause de ses dents. Elles sont grandes et jaune dans sa bouche.
Dou
Dou a la peau aussi noire que la grand-mère maternelle. Dou est douce. Tous les enfants l’appellent Dou. Elle ne punit jamais et quand elle les gronde c’est avec une voix qui ne fait peur à personne. Elle aime tellement que son amour déborde dans son rire et dans ses yeux qui brillent. Elle travaille tout le temps. Elle fait la cuisine, elle lave le linge dans une bassine. L’eau gicle tant elle frotte et c’est une composition musicale. L’enfant aime Dou comme si c’était sa vraie grand-mère et non une voisine qui aide sa mère parce qu’elle travaille et qu’il faut la garder et lui donner son goûter après l’école. L’enfant ne rechigne jamais à aller chez Dou même si elle raconte des histoires de soukougnans et que les interdits sont nombreux. Interdit de manger des bananes et de l’ananas après midi. Interdit de se doucher après avoir fait du repassage. Interdit de jouer avec le crochet de la porte parce que le bruit attire le diable et les démons. Interdit de parler à untel parce qu’elle fait le mal. Interdit de s’approcher des chiens Dig et Tarzan. Interdit de manger les goyaves sans la peau. Interdit de sucer son pouce. A la demande de la mère elle a mit sur les doigts de l’enfant de l’aloé. L’enfant a pleuré et elle lui a lavé les mains pour enlever l’aloé. Elle a natté les cheveux de l’enfant avec beaucoup d’huile de carapate sans les serrer.
Le grand-père paternel
Il monte et descend la rue du Vieux Bourg. Le grand-père marche tout le temps. C’est un homme qui semble toujours occupé. Il fait frire des poissons dans une huile rouge avec beaucoup d’oignons. Il a toujours un chapeau et l’enfant a vu une photo en noir et blanc où il porte l’écharpe tricolore de la république française.
Il a peut-être fait la guerre mais l’enfant ne l’en a jamais entendu parler. Il a été boulanger et bien sur pêcheur comme tous les hommes du Vieux-Bourg. Il est très maigre et porte un pantalon avec des bretelles. Quand il parle il mâche son dentier et on a l’impression qu’il pourrait lui sauter de la bouche.
A trois pattes
L’homme est un ami du père de l’enfant. Il est toujours souriant. Ils boivent du rhum ensemble. Il chasse ensemble. A trois pattes est un maçon. Il n’a pas trois pattes comme l’enfant l’a cru puisque tout le monde l’appelle comme ça. Ce qui lui vaut ce surnom c’est qu’il boit le rhum sec du décollage et rajoute à celui qui ferme sa visite un troisième rhum sec sans amortisseur, c’est à dire sans eau, ou limonade ordinaire pour calmer le feu des cinquante degré du rhum Damoiseau.
L’enfant réalisera plus tard, plus grande que les hommes boivent bien plus que trois secs quand ils se rassemblent pour jouer aux dominos dans ce que son père s’obstine à appeler un restaurant quand bien même il n’y vend que du rhum, de l’eau et des boissons gazeuses et rien à manger.
quelle chance d’avoir eu une Dou dans son enfance (moi elle s’appelait Yamina)
Merci Brigitte 🙂
On a l’impression qui se recrée avec le portrait de ces personnages. C’est foisonnant.