Perdue dans ce grand parc, pas trop encore, je les entends en bas et je monte la pente jusqu’à la lisière des arbres touffus où tout est calme et ordonné, pourtant une sourde angoisse la prend par surprise, là où elle trouvait du bonheur à marcher, elle se fige le silence devient trop lourd, elle ne reconnaît rien, juste elle entend encore vibrillonner la mouche qui ce matin dans une petite chapelle l’empêchait de réfléchir à son devoir, une rédaction. Ce silence qu’elle veut tant explorer, l’étreint tout à coup. Elle cherche le ciel qui la rassure un instant, mais tout est vide même ces grands arbres ne la touchent plus, même l’herbe fraiche foulée tout à l’heure lui semble figée comme sèche et fanée.
Mais que fait-elle, elle avance encore, elle n’a pas besoin d’aller si haut. Et pourquoi elle s’agite, et se met à pleurer, je l’entends sangloter. Et je m’entends moi-même à son âge, perdue au milieu de tous, pleurer et crier parce que je me sens seule même avec les miens, je n’arrive pas à comprendre cet effroi qui m’a saisie.
Elle vient d’avoir dix ans et j’arrive près d’elle qui se sent gènée puis se ravise très vite, et se maîtrise, elle a une telle envie de beauté, de splendeur et comme tout est difficile! Elle est à un carrefour et voudrait sauver le monde , elle, si démunie, si timide si seule.
Bien des années plus tard, et plusieurs fois dans sa vie, elle aura de ces moments où tout chavire où la gorge se serre et où on se révulse devant les horreurs du monde, et pourtant elle se relèvera toujours, essayant encore et encore de garder des points de ciel bleu pour faire advenir la splendeur même là où elle n’est pas.