Derrière la tête du lit surgit le renard. C’est la marionnette d’une émission de télévision pour la jeunesse. Il a de grands yeux ronds qui ne clignent pas. Des yeux qui brillent. Sa bouche est sombre et sans aucune dent. Devant son écran, l’enfant attend qu’il ouvre la gueule. Il attend de voir la langue de tissus rouge collée au fond. Et la nuit, chaque nuit, le renard surgit. L’enfant entend le sommeil qui le quitte. Ça fait comme un bourdonnement électrique qui s’atténue. Il ne crie pas. Il n’ose pas bouger. Il reprend conscience de son corps. Une de ses mains dépasse du lit. Tout peut la prendre et l’entraîner dessous. Ne pas se manifester. Surtout pas. Alors il se met à l’écoute de la maison. Au-dessus, il y a les choses arrêtées dans le grenier. Tellement immobiles qu’elles semblent l’attendre. De l’autre côté de la cloison, dans la salle de bain, il y a Saldo. Il l’a vu. Un œil dans la bonde de la baignoire lorsqu’il sortait du bain. Saldo est né le jour où un invité, un étranger à la maison, un type venu de nulle part, avait débaptisé le lieu en « salle d’eau ». Cela avait mis l’enfant très en colère. Au début, la salle de bain lui avait paru juste différente. Et puis Saldo s’est mis à exister. Un crapaud bipède, plié sous la baignoire. La nuit, il se déplie. Il sort. Ouvre la porte. L’enfant veut crier, mais il a peur d’entendre sa propre voix dans le silence de la nuit. Il craint que la lampe de la chambre de ses parents ne s’allume pas.
Je connais le nom du crapaud bipède… 🙂
J’ai la vague sensation que la langue est en train de changer par rapport aux textes précédents,mais je ne l’ai pas complètement en mémoire. Phrases courtes, une volonté de séquençage rapide sans doute pour mimer l’attention intermittente et le phrasé de l’enfant. Ca nous emmène spontanément dans une atmosphère à la Stephen King, peut-être y a-t-il, pour trouver une forme d’inspiration à aller aussi chercher du côté de l’ambiance des contes de Noël, puisque c’est de saison. A suivre.
Les contes, oui. J’avais ça en tête. Tim Burton plutôt que King, et quelques images de films d’horreur. Je crois que j’aimerais bien explorer cette forme de narration où on ne s’encombre pas de vraisemblance et de finesse psychologique. Quant au reste, peu de volonté de séquençage consciente, mais plutôt content d’en avoir fait preuve sans le savoir.
J’aime beaucoup le fait qu’on suive les associations d’idées de cet enfant et ce Saldo qui prend son sens et à la fois l’effet ludique que cela crée en total décalage avec la frayeur enfantine.