Le sentier qui aboutit au bord de la falaise, la chambre d’hôtel, une nuit en plein champ ou au milieu de la mer, une route dans le brouillard. L’angoisse de l’impasse, d’un espace sans repères, la peur qui monte, les larmes, la certitude qu’il ne faut pas bouger, se recroqueviller et attendre. C’est cela être perdu. Qu’est-ce que je fais là ? Pourquoi ? Par quel enchainement de stupidité, de surestimation de moi-même, de désir fou de me prouver quelque chose, comment en suis-je arrivée là ? De malchance aussi. D’erreur surtout. S’il y a du plaisir à se faire peur, à sentir le frisson de l’inquiétude, je veux saisir le juste après, quand c’est autre chose, quand ça bascule dans le vide. Pas obligatoirement dangereux, autre chose, quand le monde n’est plus amical, ni familier, ni bienveillant, quand on perd le contact avec soi-même et le contrôle . Cette chambre d’hôtel à Venise, j’ai huit ans, mes parents parlent d’argent qui manque, qu’ils n’ont pas. On est si loin de la maison, de mes frères qui sont restés chez les grands-parents. Mes cheveux sont longs coiffés en queue de cheval. Comment retrouver le chemin sans argent ? Je pleure et rien ne me console. Il faudrait juste me dire que ce n’est qu’une affaire de change et d’horaire d’ouverture. Personne ne le dit parce que personne ne comprend, moi non plus. L’opacité m’enveloppe. Les chambres d’hôtel me font toujours plus ou moins cet effet-là, la sensation de m’y perdre. Parce que j’y suis seule, parce que celui avec lequel je suis n’est pas le bon, parce que je ne comprends plus ce que je fais là.
Un texte suffocant où la peur monte à mesure que l’écriture se déploie. Saisissant et donc saisi ! Merci Danièle pour ces mots (maux ?) d’enfance.
Merci Camille. Pas du tout envie de retourner sur les souvenirs d’enfance, plutôt envie de creuser ce qui en reste, ce qui est toujours agissant.
Bonjour Danièle,
j’aime le désossement du début, le tic-tac du mécanisme et puis la scène et cette familière étrangeté qu’elle évoque, être et ne pas être là,
bonne journée,
C
merci Catherine d’être passée.
(« quand le monde n’est plus amical, ni familier, ni bienveillant », ce glissement, qui arrive en clandestin, passe par des choses simples, connues, une chambre, l’argent, et ouvre le vertige)
Merci. François nous emmène à chaque fois à exhumer des sensations profondément enfouies mais constitutives. ça sert toujours.
« La certitude qu’il ne faut pas bouger, se recroqueviller et attendre. C’est cela être perdu. »
Je vais y réfléchir…