Se perdre dans le dédale de pièces d’un vieil immeuble ou plutôt d’une vieille maison mitoyenne déployée sur trois niveaux. Derrière une lourde porte à double battants au vernis écaillé un rez-de-chaussée par lequel on entre et par lequel on peut ressortir mais vers une autre cour, de l’autre côté. Il est traversé par un couloir sombre et étroit, encombré de meubles sombres chargés de piles de papiers ou de vêtements jetés en vrac. Il distribue plusieurs pièces à droite et à gauche dont les portes sont souvent fermées, et un escalier tout aussi étroit et sombre qui monte à l’étage. Je monte, on n’a pas précisé qu’il fallait se cacher au rez-de-chaussée. L’escalier tourne devant une porte à mi- étage. Elle est entrouverte, je la pousse et entre. Pas de lumière, seulement un rayon échappé d’un hublot donnant sur la rue, rayon arrêté pas un amoncellement de meubles entassés au milieu desquels trône un harmonium tout déglingué. Je contourne en me disant que ça serait une bonne cachette. Deux portes se dévoilent, l’une donnant sur un escalier d’une dizaine de marches que je vais emprunter, l’autre sur un couloir très étroit dont je ne vois pas la fin et qui me fait peur. Au moment où je m’engage dans l’escalier j’entends mon prénom crié depuis l’entrée. J’accélère le pas tout en marchant sur la pointe des pieds pour réduire les craquements du bois de l’escalier. Je traverse un premier grenier plein de cartons, coffres, tiroirs et poussière, éclairé par deux petits vasistas. J’entends quelqu’un monter au premier étage. Je cherche un endroit pour disparaitre. Au bout du grenier, un escalier qui descend. Je le prends puis une porte sur la droite derrière laquelle une enfilade de petites pièces style alcôves, j’y vais, reviens, puis je tourne à droite, à gauche, les bruits se rapprochent, alors je me jette derrière un fauteuil Voltaire tout mité où j’attends. Je suis sûre qu’ils ne me trouveront pas. J’entends alors les notes plaintives et dissonantes de l’harmonium. Et les autres qui rient. Ils ne s’occupent plus de moi. Je sors de ma cachette et pars pour les rejoindre. J’essaie de me rappeler le trajet aller. Je tourne, retourne, monte, descends, tourne encore et me retrouve au même endroit. J’écoute le rire qui monte du premier étage comme monte mon envie de pleurer et je me guide au bruit. Tout ce que j’avais traversé avec une certaine allégresse pour trouver la cachette idéale, me parait maintenant glauque et quelque peu effrayant. A mi-chemin dans un escalier en colimaçon je me mets à appeler en criant de toutes mes forces… je tends l’oreille, j’entends que je ne suis pas du bon côté de la maison. Je descends encore et me mets à courir en traversant plusieurs pièces toujours aussi encombrées et je trébuche et je tombe et je me relève et… ils sont là.
Difficile de créer de la fluidité entre quelques images-souvenirs en noir et blanc gravées dans la mémoire... Peut-être aurait-il mieux fallu juste les juxtaposer... J'essaierai
C’est joli cette histoire de se cacher, disparaître mais quand on ne la cherche plus l’enfant veut revenir parmi les autres. Tellement juste.
Je serais effectivement curieuse de voir ce que ça donnerait en juxtaposant les éléments du texte comme vous le suggérez. Sans doute serait-on davantage dans la tête de l’enfant. En même temps, là, on suit le fil du récit, c’est juste par rapport à ce qui se raconte comme une bobine qui se déroule et se ré-enroule avec la sensation d’une accélération à la fin du texte.
Merci de cette lecture et de ce commentaire. Partir de quelques images fortes restituées par la mémoire pour écrire le récit d’un moment flou en fait surgir plusieurs, et de différentes façons. Je vais essayer la juxtaposition mais je crains qu’elle ne conduise qu’à des descriptions figées… on verra…