C’est bamboche. Nous les enfants on se poursuit dans la forêt de jambes. On contourne les bosquets, on se faufile sous les flûtes et les mains animées, la tête engoncée dans nos habits propres. Mon frère porte des bretelles et une coupe hérisson. Moi, un ensemble à volants cousu par ma mère et des sandales neuves un peu trop grandes. D’un coup je repère ma cousine s’engouffrant dans un terrier, sous la nappe en papier blanc qui vacille encore de son passage. Je dérape à coups de sandales, mes orteils se serrent dans les virages. Je m’enfonce à sa suite.
Dessous, le bruit et la lumière sont atténués. J’avance à quatre pattes, mes genoux incrustés dans l’herbe fraîche. Je reste un moment à regarder les chaussures discuter et tournoyer, elles ont chacune leur caractère. Puis j’en ai marre, je traverse le tunnel et sors de l’autre côté.
Ma cousine a disparu. Je tourne autour des jambes, mais aucune ne me semble familière. Le chaussures rouges à talons de ma mère sont introuvables. Je m’agrippe à une paire de jambes velues, mais ce n’est pas la tête de mon père qui s’y trouve attachée. La tête d’homme rit de ma confusion, et je le déteste. Je m’empourpre, j’ai chaud et mon petit manège m’a donné le tournis. J’aperçois enfin une tante à quelques mètres de moi, et je cours lui demander où sont les autres.
Les autres, me demande t-elle un peu perplexe. Tu veux dire tes parents ? Eh bien, ils sont là-bas, regarde, sous le barnum. Dans la direction qu’elle m’indique, je retrouve tout : les chaussures rouges, le hérisson, les jambes salées de mon père, et le terrier.
intéressante cavalcade à hauteur d’enfants,je ne sais pas pourquoi ça me fait penser à ce très beau film d’animation sur un ours et un hérisson, « le hérisson dans le brouillard »: https://www.youtube.com/watch?v=ZAVc3ltoKSk
c’est drôle, car je parle de ma famille « slave » dans ce texte. Merci pour ce lien, l’image, la langue, c’est beau.