Ce texte est une ramification de : 40jours-10-exelmans-si-vous-le-dites
C’est Malice qui vient à l’école. C’est mieux quand c’est Malice. Le goûter dans un sac maison, bien à l’abri. Et l’aventure. On descend dans la bouche noire. Trou de lapin. Terrés dans le terrier. Des kilomètres et des kilomètres de tunnel. On se perd, mais on est pas perdu tant que Malice est là, même si elle ne sait plus où on est ni où on va, on part à l’aventure à part, alors c’est normal de ne pas savoir, pas du tout comme à l’école où là c’est mal. Là-dessous, on ne sait pas lire. Soit on est trop petit et les lettres vont à peine par deux, bras dessus, bras dessous, comme Malice et moi, soit on a laissé ses lunettes près du fauteuil à oreilles. Malice dit : les lunettes, ça ne sert qu’à lire le présent, mais c’est pour autre chose que le présent qu’on passe à nouveau par le trou du lapin. Pour le passé et pour l’avenir, comme dans les cartes. On change de train plusieurs fois, pour faire plusieurs petits voyages. Tant qu’on n’a pas mal aux pieds, on n’est pas perdu. Si on pleure, Malice prend dans les bras et demande aux gens pressés. Un dit qu’Axelle ment. Comment il la connaît ? C’est peut-être son papa qui a changé de tête. C’est possible qu’Axelle ait menti un jour, ça arrive : la vie est moche parfois, ou on s’ennuie, alors on met une petite rustine pour pas qu’elle se dégonfle complètement. Malice dit que ce n’est pas un mensonge, c’est l’île Machination qui travaille. Du coup, elle s’en fout, Malice quand l’autre lui dit : Axelle ment. Elle, elle répond : si vous le dites. Mais ensuite, ça lui revient comment rentrer à la maison des parents. Quand on arrive, ils ne sont pas très contents à cause de l’heure. Alors on ment sur l’aventure. Malice raconte des histoires de retenues, d’embouteillages, d’arrêt-pipi. Une fois elle leur à parlé de l’étape des gros bourdons en anorak de ski dans les massifs du square, mais elle n’a pas été très populaire. Les parents préfèrent les voitures qui trafiquent et tout s’arrête. Bon, là, c’est un autre problème parce que dans les souterrains, quelqu’un nous a vus et maintenant les parents sont au courant pour les virées en métro avec Malice sans ses lunettes et dans l’état où elle est, à quoi pensait-elle ? Comme si on pouvait le savoir à quoi pense Malice, à quoi pense les gens ! Elle me la bien dit : Petit gnou, ce qui se passe dans ta tête, personne ne peut le voir. Comme pour la bouche noire. Ils peuvent voir le trou, mais ils n’ont aucune idée de se qui se trame là-dessous.
se perdre oui, mais quelle chance d’avoir Malice avec soi… elle ne surtout pas la perdre même plus tard.
Ton commentaire me donne à pensée que Malice est un peu paumée… rien ne pourrait me causer plus grande joie.
Un prologue qui ouvre bien des perpectives d’écriture et une forme différente de ce que je connais déjà de toi. J’aime cette langue enfantine, orale, remplie de cavités et de trous. On suivrait bien Malice longtemps dans le terrier de l’enfance. Immuable et en mouvement.
Oh Camille : te revoilà ! Je n’en suis pas à mon premier coup de parler clown, mais de cycle en cycle ça se précise. Au plaisir de te lire !
un bien beau texte, si on est perdu il reste la malice qui nous perdra encore un petit peu plus. En douce on y entend de vieux dictons comme malicieusement dissimulés.
C’est un beau cadeau que d eme signaler que l’équivoque de l’antienne est bien au rendez-vous. Merci
«
« Ils n’ont aucune idée de se qui se trame là-dessous ». J’aime cette phrase plus que les autres parce qu’elle ouvre sur l’infini. Ce n’est pas seulement la voix, ce n’est pas que ta voix, mais toute une création qui s’annonce et qui offre bien des perspectives de vues. Heureux de te retrouver ainsi, peut-être clown mais actrice aussi, joueuse d’un texte en blanc.