La boîte en carton dans le tiroir de la grande armoire ; sa boîte à foulards au parfum d’arpège : soie, mousseline et crêpe … arabesques et volutes de l’armoire monumentale dans le paysage ivoire de la chambre : tu l’entrebâilles, un parfum s’évapore – A r p è g e c’est le nom écrit sur le flacon elle te l’a lu en suivant les lettres du doigt -, il efface la pesanteur de l’armoire (comme les arpèges font voler le grand corps noir du piano?). À l’intérieur tout est d’un calme gelé … tu te hisses pour atteindre le tiroir et sortir la boîte si légère malgré la foule de trésors qu’elle retient, tes pieds nus s’enfoncent dans la garniture ouatée : gare à ne pas déchirer le satin du fauteuil… Les foulards ne sont ni pliés, ni froissés – pas bouchonnés non plus-, ils ont glissé de la main à la boîte, livrés pêle-mêle : soie lourde des carrés imprimés : la sirène sur fond bleu miracle de douceur qu’elle t’enroule autour du cou quand tu as la fièvre et que tu as le droit coucher dans son lit… Les mousselines pastel ( je la vois se coiffer d’une mousseline pour enfiler son pull sans se décoiffer… ou plier dans un carré de soie un chemisier qui ne doit pas être froissé)… Les étoles de crêpe: la bleu-vert moirée, la blanche incrustée de perles – on dirait des dents de lait… celle frangées de cygne noir : même un boa… et s’y entortiller les doigts s’en faire une barbe, un turban… Les cotons sont dans une autre boite posée plus bas avec les pailles d’été… pour les gants il faut revenir deux étagères plus haut, ouvrir la boite garnie de coquillages : un cadeau d’enfant ? Les satin soir montent jusqu’à l’épaule et ta main s’y perd… des mitaines cuir caramel à petits trous qu’elle enfile pour conduire tes doigts dépassent à peine… les moufles sont dans un sac de jute avec les bandeaux de laine pour l’hiver… oui parfois sur le boulevard il neige
Le miroir brot où l’on peut se cacher pour se démultiplier un miroir à trois faces fixé au mur dont tu rabats les deux côtés : te voilà prise au labyrinthe de tes images dans le triptyque de glaces : c’est toi et toi… toi de face, et toi de dos… démultipliée (être Dame de Shanghai sans le savoir) . Toi de profils : le côté droit fait la moue, le côté gauche sourit… on dirait que tu as deux tête en mille (cubiste ou futuriste sans le savoir) dans l’abîme de perspectives…
Merci Nathalie Holt, merci. Les parfums que vous faites échapper de vos boites magiciennes réveillent les sens et ma mémoire. L’eau de roses de Rose et le lourd Shalimar de l’institutrice dans les rangs de la classe. Merci Nathalie pour ces flagrantes fragrances.
… à l’école mademoiselle Bazin sentait plutôt l’essence de lavande… et dans l’autre maison il y avait les frictions à l’eau de Cologne et l’odeur s’évapore très vite plus vite que celle de la térébenthine..
On voudrait lire les yeux fermés pour encore mieux ressentir toute cette douceur et s’enrober des odeurs.
Merci Solange
J’avais pensé à l’organza de sa loge (il m’a semblé – c’est aussi la dénomination d’un parfum)(c’est accessoire) (c’est cette curiosité de la découverte et de découvrir aussi les choses qui l’habillent – la distinguent comme les enfants aiment à s’inventer) toute en douceur
Ah oui merci Piero Il y avait l ‘Organza de sa loge…