Grandir, c’est naze. Parcourir le chemin aride de la vie, et nous avançons, nous nous asséchons, et dans ce chemin, il y a des gens indifférents. L’enfant, qui ne sait pas faire, qui ne saura jamais vraiment faire, peine à avancer seul. Il ne peut rien y changer, il est seul, condamné à le rester. Abandonné de tous. Perdu. Le centre commercial est trop grand pour lui. Des jambes le piétinent. Il roule, comme un détritus. Et il n’aime pas ce maudit lieu. Tout ce bruit inutile. Tous ces gens qui parlent tous en même temps. Ca lui tord les oreilles. On ne sait pas s’écouter. Ils ne veulent pas lui prêter attention. Il cherche. Appelle. Personne ne répond. Ce n’est qu’un enfant qui piaille.
Il a les yeux remplis de larmes. Il se glisse dans les différentes boutiques. Regarde. Il n’a que ça à faire. Visiter. C’est ça, être humain. Fuir la peur en faisant autre chose pour ne pas y penser. Ses joues sont humides. Il se traine. Les boutiques de fringues, ça le fait chier. Il n’y a quasiment que ça. Il entre dans une confiserie. La vendeuse l’ignore. Elle déteste les enfants. Une odeur sucrée et rose flotte, qui caresse, qui console. Il est comme invisible. La vendeuse a autre chose à faire. Seule l’odeur sucrée et rose le console. Il cherche la boutique de jeux vidéo. Il y en a une, quelque part, il le sait, il allait là avec sa maman. Il la cherche, la boutique. Il erre. Il la trouve. Mais il n’a pas de quoi s’acheter de jeux. Alors il se contente de regarder les jaquettes en salivant. Puis un jour, il grandit. Maintenant, c’est un vieillard. Sa barbe est épaisse et blanche. Des rides lui creusent la face. Il a des années-lumière dans les bottes et des histoires à raconter. Et même s’il a perdu son chemin il y a des millénaires de cela, il ne le regrette pas, ça lui a donné une sacré expérience. Il sait se débrouiller. Il n’a plus peur de rien. Ni de l’indifférence des gens. Ni des boutiques de fringues. Et alors qu’il s’apprête à délivrer sa leçon de vie à l’humanité…
« Cet enfant va me rendre folle. Tu faisais quoi, dis ? Tu faisais quoi, seul ? On te cherchait partout. Partout. Pourquoi tu t’es éloigné ? »
C’est ma mère. Elle me crie dessus. Elle est toute blanche. Elle tremble et pleure. Mon oncle, qui l’accompagne, me fixe avec mépris. Il désapprouve mon existence même. J’espère que mon père ne sera pas trop dur quand on sera rentrés.
je ressens dans votre texte un désespoir à hauteur d’enfant qui semble faire encore écho dans le présent, on souhaite que l’expérience acquise (il sait se débrouiller. Il n’a plus peur de rien) fasse écho tout autant. Merci en tout cas pour ces mots sensibles.
Merci. J’ai essayé d’explorer des peurs d’enfants. Je vais essayer, dans ce cycle, de moins parler de désespoir, de peur, et être plus léger.
o, est plus adulte que les adultes ne le pensent et on a mêmes désespoirs en plus fort
et puis on reste enfant, mais un eu amoindi
Merci pour ce commentaire. Quand on est adulte, on a l’impression que l’enfant n’a pas de désespoir. Avec cette période, je suis certain que beaucoup d’enfants souffrent, ont peur. Plus largement, nous avons du mal à voir la peine de l’autre, j’ai l’impression. Il y a des gens qui y arrivent, mais en général, c’est ignoré.
Admiratif je suis devant ces remontées (re descentes) dans les désespoirs de l’enfance. Merci Jad.
Tu m’y remets, en plein dedans. Du yoyo émotionnel. T’es pas tout seul Jeff, Jad ( lapsus venant d’une chanson de Brel)
En même temps c’´est si présent encore pour certains, ça vaut le rappel.
De temps en temps, se rememorer à la fois l’abscence, la perte de repères et ce qu’on a dû trouver, inventer pour se maintenir. Merci !
Le décalage entre l’expérience de l’enfant et la voix des adultes glace le sang, on voit un monde d’incompréhension, alors que tout semble là, palpable et compréhensible.