Du rouge, de l’or. Turquoise et rubis. Du bleu, du blanc, de l’orange et du jaune ; ça et là, des tâches bordeaux, des éclats : de lumière, de coups ; marteaux, clous, agrafes, peintures. La palette d’un peintre abstrait. Le peintre, pas sa peinture. Il y a là, en tout cas, un trésor. Une promesse. Une invite aussi : fer blanc, clous rouillés, lattes disjointes, gonds usés. Et le verrou, qui ne tient que par une vis. On pourrait aisément franchir la porte, et c’est bien sûr trop facile. S’il y a un trésor, il n’est pas caché derrière. Il est devant les yeux de celui qui sait regarder.
On pourrait ne rien voir, ne voir que le passage du temps, passer son chemin, refuser le chaos, mais le chaos n’est rien d’autre qu’une organisation de la nature à laquelle nous ne comprenons rien. Lorsque je me promène dans les rues du village avec mon appareil photographique, j’oublie qui je suis. J’oublie les formes et mes préconceptions. Je me fonds dans le chaos. Je laisse la nature dériver. Danser les couleurs. Les figures floues avec les aplats vifs. La beauté est un surgissement de l’inconscient révélé à travers l’œil de l’objectif, agissant comme un passeur. Je ne suis plus « homme ». Je ne suis plus qu’un amas d’atomes vaguement agrégés et perpétuellement en recomposition, dans l’attente de l’élévation. À travers le viseur de l’appareil, je m’oublie. L’esprit flotte et fusionne avec l’univers. Il n’y a plus de porte ni d’éclats ni clous ni peinture. Il y a la beauté, les couleurs ; il y a le vertige de ce qui nous dépasse et nous touche un instant, ouvrant des perspectives qu’on peine à exprimer, des sentiments inconnus, la perception d’un monde plus vaste, plus beau, un paradis perdu auquel nous n’avons plus accès, mais qui nous est donné d’apercevoir encore, en de rares occasions, quand l’esprit de l’homme et celui de la nature ne font qu’un, dans l’évanouissement ou le dérèglement des sens. Alors j’appuie sur le déclencheur pour garder quelque chose de la vague qui me submerge, un semblant d’écume, trace dérisoire d’un passage, et peut m’importe désormais le cadenas et la chaîne qu’on a ajoutée sur la porte. Je n’ai nul besoin de la pousser. Le vrai trésor, je l’ai déjà pris, il m’appartient.
j’aurais voulu écrire ce texte… non ce n’est pas vrai, je me contente de savourer, d’admirer comme l’oeuvre d’un jeune grand frère
Oh merci Brigitte, votre commentaire me fait énormément plaisir…
balade à tes côtés dans les rues du village en quête d’inattendu, simple porte cochère ignorée de tous, juste là dans le décor… c’est beau, on le sent bien…