Dans la pièce à trois murs au centre précisément sol contre fesses dans la pièce à trois murs l’horizon était total assise elle ne voyait plus que le ciel elle ne voyait plus qu’une découpe du ciel rectangulaire mais profonde une entaille aussi large que pouvait être la liberté elle y restait des heures en contre-plongée dans le bleu puis les années ont passé ils ont déménagé et elle quitta sa première pièce à trois murs qui ne la quitta pas pourtant
assise de nouveau mais dans une pièce à quatre murs il ne restait plus du ciel qu’un carré traversé par du bois vertical et horizontal il ne restait qu’un carré formé de plusieurs petits carrés elle n’avait plus que quelques bouts de ciel mais elle restait à les contempler sachant qu’il existait encore cette liberté bleue et rectangulaire de son enfance puis le temps passait et on avait enlevé les persiennes qui s’ouvrent comme deux bras sur le monde pour mettre des volets roulants on baissait les volets on lui baissait les volets tous les jours comme on baisse les paupières on la forçait à plisser les yeux plisser les yeux et ne plus les laisser grand ouverts parce que ses yeux étaient beaux elle devait fermer les yeux parce qu’elle était leur prunelle on lui demandait de fermer les yeux pour ne pas qu’elles les brûlent à la lumière du soleil on lui demandait de fermer les yeux pour ne pas qu’elle ait le regard trop grand alors son monde s’obscurcissait sa gorge se nouait et les larmes
elle détournait peu à peu les yeux du trop petit bleu qui lui restait pour les plonger dans les livres elle y retrouvait le rectangle de l’enfance en beaucoup plus grand elle comprenait que le ciel était plus que le rectangle elle y trouvait la profondeur du ciel et qu’il est infini elle se prouvait qu’il existait toujours ce ciel qu’on lui dérobait alors elle lisait elle lisait
parfois on lui disait encore attention à tes yeux ne lis pas de trop près ne lis pas autant qu’estcequetulisencoreilyadeschosesmauvaisesdansleslivres mais elle continuait de creuser le ciel dans ses yeux de parcourir les mots bleus
elle lisait dos contre la fenêtre et ses oreilles continuaient d’entendre la liberté dehors la liberté des autres la liberté de ceux qu’on laissait regarder les yeux grands comme ça elle entendait les voix reconnaissait ceux qui passaient en bas qui jouaient reconnaissait la voix de ses amies et de ses frères dont les pupilles pouvaient palpiter au grand jour et cette musique bleue rendait son cœur marron triste elle croyait encore les entendre les voix des autres quand grande elle avait de nouveau sa pièce à trois murs et l’horizon grand devant elle entendait encore les échos du passé elle sentait encore la blessure marron dans son cœur elle cherchait encore le ciel volé entre les lignes
longtemps le bleu pour moi ne fut que dans les livres mais pendant des heures chaque fois que je levais les yeux de mon travail, comme n’avais ni le temps ni le droit aux livres à ces moments là, le projetais la mer ( m’obéis mieux que le ciel) sur le mur de brique sale à quelques dizaines de mètres de moi de l’autre côté de la vitre)
beau texte, beau rythme et belle ouverture ou beau début avec la pièce à trois murs
Brigitte a tout dit. J’aime les yeux aussi dans votre texte, comment vous travailler cette idée, les ouvrir, les fermer, papilloner, prunelle… Très beau. Merci
C est beau, les persiennes les paupières le ciel et la lecture.
Embarquée moi aussi dans ce beau texte…
oui il y a un mouvement ample de bleu et d’yeux ouverts qui se déploie en dépit des interdits évoqués, le texte s’ouvre comme une fleur sous un ciel d’un beau bleu. Plaisir à le lire
Tout est dit déjà… l’enfermement auquel on ne se résout pas, car… le monde intérieur et puis les mots libérateurs… et le texte accordéon rend bien tout cela !
Qu’ajouter ? Un sourire et un grand merci pour votre texte, votre cap.