combien seront-elles les fenêtres de sa vie quand celle-ci se sera en allée quand ses yeux auront été clos malgré elle ou combien sont-elles même juste celles d’une moitié de vie mais comment savoir comment être sûre du moment où elle en est est-ce vraiment la moitié de sa vie impossible réflexion de sa raison qui se heurte à tous ces reflets vitrés croisés ouverts fermés cassés fêlés déformés de nervures de pluie aveuglés de mille éclats de soleil les vitres sales les carreaux rutilants dont le nombre augmente incroyablement dès qu’elle se concentre un peu elle n’aime pas compter car elle craint de sombrer dans un nombre gouffre abyssal alors elle abandonne elle et passe au il, elle délaisse ses souvenirs et projette il ce il dont la vie n’en est qu’aux balbutiements le peut-il lui encore parvenir au souvenir de la transparence faussée du Plexiglas du berceau de la maternité quelques heures après la longue nuit intérieure alors que les yeux ne distinguent pas encore assez finement aperçoivent juste les ombres et les contours des personnes aimantes mais pas encore véritablement aimées c’est juste qu’il en dépend totalement absolument essentiellement attachement vital et viscéral à double sens qui se précise et s’affine à mesure que la vue s’ajuste et s’accommode et que la mémoire commence à enregistrer les images et les visages répétés penchés bienveillants souriants au-dessus de lui possède-t-il en lui l’image du ciel la première fois qu’il a vu la lueur grise bleutée par le toit ouvrant surplombant son premier trajet motorisé dehors ce jour où il rejoint enfin la maison sa maison dont il découvre les vraies ombres et lumières tandis que les bruits lui effleurent réellement les tympans que lui reste-t-il de ces soleils d’été du mois où il est né qu’en restera-t-il sinon ce qu’on lui en dit et ce qu’on lui en aura raconté et puis au fil des années s’ajouteront les grandes fenêtres qui permettent de s’échapper des classes et des choses enseignées et avant même les fenêtres sur les rebords desquelles il s’appuie pour se dresser regarder la vie dehors tout en s’interrogeant sur le drôle de bonhomme qui se reflète au premier plan et qui a l’air de le singer il regarde la procession toujours un peu pareille à la fois jamais la même des voitures des petites et des grosses cylindrées la ronde matinale du camion-poubelles le défilé des camions de chantier du terrain d’à-côté sur lequel le bâtiment encore gris de béton commence justement à se parer de vitres encore emprisonnées de leur emballage protecteur qui les rend aveugles et encore toutes ces fenêtres face à la sienne baies vitrées ouvertes sur les balcons de l’immeuble en face fenêtres ouvertes des cuisines qui s’agitent d’où proviennent les mélodies de casseroles poêles et cocottes cliquetis de couverts dans les assiettes lueurs bleutées des soirées télévisées infinie mise en abîme de lui qui regarde les fenêtres en face qui répètent et lui renvoient son image tandis que lui observe le derrière qu’on ne voit pas vraiment mais qu’il se plaît à imaginer inventer il crée des habitants et leurs histoires de vie qui va les solitaires les familles plus ou moins nombreuses et en face les vitres l’observent lui regardant que voient-elles de sa vie qui passe de la vie des siens de leur vie à eux de leur cocon protégé d’un double-vitrage ce cocon dans lequel en retrait loin de la fenêtre elle l’observe qui regarde et invente qu’il invente
Ce texte me touche au plus profond de moi, je le trouve très beau…
Merci Françoise pour votre lecture et vos commentaires élogieux.