De la paroi en pin douglas résonne la voix de celle qui demeurait à quarante ans d’ici. Dévolue à ce territoire en prise avec les vents de sable charriant les complaintes bestiales et humaines de l’autrefois. Elle y était, pleinement dans les gestes recueillis de sa tante, elle-même témoignante de sa mère. C’est elle qui a maintenu le malingre en vie, ce grand cep scabreux défiant la roche et le sable, consumant chaque goutte de pluie égarée dans cette plaine-lit de vents. Il n’y avait pas plus à faire qu’à peser la nécessité de ce qui exige un surplus de vie pour continuer à exister à quelques jours de là. Cette pesée vitale en appelle au flair des signes discrets, à une vision au-delà de cette heure, à s’acquitter des gestes d’avant poussés dans le maintenant. Répondre à ce qui nécessite était viscéralement lié à sa propre existence, au déploiement d’une pensée rhizomatique, cheminant sans cesse, frayant avec les souffles connus et défrichant des sentiers inexplorés. Il y a les éclats -d’une oscillation même infime de la lumière- et il y a les stigmates, les écorchures des taillis d’aubépine de l’enfance et ces choses héritées des femmes de la lignée. L’abeille en son bourdonnement dans les interstices de la paroi n’est que la descendante de celle qui murmurait déjà le changement au linteau de l’ancienne porte. Devenue paroi, la bicoque planté dans les souffles arides est l’infranchissable tombeau se laissant pourtant ensemencé par quelques failles à qui sait les entendre.