Mai 1920 Lyon un appartement rue des Remparts d’Ainay Anne surveille avec confiance le service du dîner répond à ses invités mais pense à la lenteur du courrier à la lettre reçue de sa plus jeune fille si jeune qui venait d’arriver à Pékin avec son mari ce capitaine à petite moustache forte de ses malles cabines en bois de camphre et de son assurance Anne parle théâtre se penche vers une veille amie regarde à l’autre bout de la table son mari en fait Anne s’inquiète et pense à elle là-bas au manque d’expérience de ses dix neuf ans elle qui doit affronter apprendre les autres femmes du quartier des légations la maison assez laide qu’elle doit aménager les anciens amis de son mari mandarins en robes de soie brodée et tachée au français parfait et grande courtoisie A Pékin elle elle est heureuse elle joue à la dame elle regarde avec respect les femmes mures et garde ses mots d’esprit pour un auditoire sûr elle apprend à connaître les antiquités elle regarde elle s’effare ou s’émerveille devant les panneaux brodés venant du palais qu’on lui a offerts elle soigne les récits qu’elle adresse à Lyon descriptions un peu de méchancetés pour amuser mais pour le moment elle tait son secret l’enfant à venir et s’effraye en silence enfile sa plus belle robe blanche s’assied sous sa véranda pour attendre la voiture de l’attaché culturel anglais sourit à sa peur pour qu’elle se taise regarde son jardin aride pense à sa mère Anne à Lyon aux chapeaux de paille aux étés à La Verpillière sent comme jamais encore la distance.
(publié le 7 8 2019)
image © Brigitte Célérier – Avignon (Musée Vouland)
J’aime beaucoup ce texte, ce glissement d’un personnage à un autre, le cheminement de la pensée illustré par ces blancs, los rsqu’on fait quelque chose d’autre en même temps, ces images, peu de mots, on les voit défiler, on y est totalement… Merci
me réconfortez MERCI
quelque chose de Duras (Margo que je lis en ce moment aussi – pour tromper la flatterie) (mais quelque chose que je sais d’elle) (comme elle dit)
sauf que pour les deux séjours Indochine comme on disait, elles se seraient regardées en chiens de faïence elle et Margo (quoique… au fond… pas certain, du tout)
je vois bien la scène rue des remparts d’Ainay, 1920
et l’inquiétude qui flotte sur la Saône, lors des promenades de fin d’après-midi le dimanche
Cette grand-mère est une mine ( c est bien elle n est-ce pas ?). Je l adore !
et nous avions rapport de chiens et chats (bon avec la barrière du respect)
ce texte attise immédiatement ma curiosité (très saine!), peut-être à cause de la Chine années 20, (avant bien des catastrophes) mais aussi grâce à ces blancs de distraction. le glissement de la mère à la fille très fluide
Délicat et feutré, comme dans une grande maison et les usages d’Outremer.
éloge de la lenteur courrier images souvenirs teintes et longues rêveries
Très belle atmosphère. On s’y croirait…
Désolée doigt parti trop vite ! J’aime beaucoup, donc, ce personnage un peu flottant dans sa belle robe blanche. Une présence fine et caressante. Merci.
Je ne sais pas ce qu’il en est de la proposition (ne l’ai pas écoutée) mais peu importe : j’aime bien ce rythme et le détachement donné par les blancs. Bravo pour l’économie de mots, je trouve que ça marche bien, c’est fort et dense.