Sa blondeur cendrée d’Italienne brune. En fin de journée les grains de mascara à ses cils. Son rire de fumeuse mêlé de pleurs et de toux. Opium en sillage.
En son for intérieur : Bihorel 1955, les mains du père. L’ombre s’étend jusqu’à Paris, 1988.
Au buffet de la gare St. Lazare, 31/12/87. Elle boit un déca en tenant la main d’un homme en manteau camel. Il pleut sur le passage du Havre – clignotement mouillé des croix vertes des pharmacies. Elle allume une Peter avec la fin de la précédente. Elle rit, il rit, mais le cœur n’y est pas. L’homme en manteau camel scrute le tableau des départs. Elle se demande s’il reste quelque chose dans le frigo maintenant que la soirée prévue tombe à l’eau.
Ce soir Jacques viendra. Ce soir il n’aura pas de travail en retard, de famille à la maison, d’ami en détresse. Ce soir il viendra. J’aurai changé les draps, mis une jolie nappe, sorti le chien plus tôt. Ce soir Jacques restera dormir et, s’il a ses outils dans le coffre, il réparera la chasse d’eau qui fuit. Ce soir Jacques sera là. Je le vois déjà dans le canapé, déchaussé, avec sa barbe grise, son sourire doux, ses grosses mains. Il débarrassera la table et lancera le lave-vaisselle en promettant de revisser les placards et, pourquoi pas, de repeindre la cuisine au pont de l’Ascension. Ce soir Jacques sera là, prévenant, joyeux. Après l’amour il prendra les trois-quarts du lit et ses ronflements légers briseront le silence de toutes les nuits sans lui. Ce soir Jacques sera là. Impossible autrement.
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