1. Si j’étais photographe, j’arpenterais la montagne – j’en connais tous les sentiers –, je traquerais les fleurs, leur éclosion leur vie, leur disparition ; je me plongerais dans l’étude de la botanique, ouvrirais les manuels, me servirais de l’application Plant Net-iphone pour identifier sur le terrain celles que je ne connais pas. J’aurais un botaniste enfoui dans ma poche ! Si j’étais photographe de fleurs, je partirais au petit matin pour découvrir les perles de rosée sur leurs pétales. Je marcherais les jours de grand vent pour capter leurs danses fébriles. Celle des linaigrettes près d’un lac de montagne. Celle des colonies d’épilobes dans les clairières. Toute la beauté du monde, clic, clac, dans une boite. Je prendrais des notes, indiquerais leur lieu de vie, mentionnerais l’altitude. Je les nommerais.
2. Je ne suis pas photographe, simplement un amateur-photos amoureux de la nature. Je me console en imaginant que mes photos insérées dans le fichier-images de l’ordi s’ennuieraient à en mourir. Là maintenant, mon idée pour les faire vivre au dehors : je ferai un montage de mes photos-fleurs pour le présenter aux écoliers de mon village, en pensant surtout à ceux qui restent rivés devant leurs consoles de jeux et leurs télé, ils ne savent plus jouer avec les copains, bouger, marcher à travers champs et vallons. Et, sur le bureau de l’instit, je mettrai un bouquet de fleurs, celles, bien sur, que je peux cueillir, qui ne sont pas protégées. Ce bouquet serait raisonnable, il tiendrait dans ma main.
3. À l’école primaire, les capacités d’attention des élèves ne sont pas constantes dans le temps. En accord avec l’institutrice, je placerai ma séance-photos vers 11 heures; elle sera au maximum de trente minutes. Je commenterai les photos en jouant de la voix, avec émotion et rires pour intéresser les enfants, n’hésitant pas à interrompre la projection pour susciter des questions et y répondre. Et bien sur, en tout premier lieu, j’aurai interdit l’usage des smartphones ! Je serais avocate de la protection du Vivant.
4. Écrivant ceci, me revient en mémoire un article provocateur paru dans la revue Sciences humaines : « La capacité d’attention des humains est devenue inférieure à celle d’un poisson rouge, elle serait passée en quelques années de 12 à 8 secondes, soit moins que celle du poisson, estimée à 9 secondes ! », et mon étonnement : comment peut-on mesurer la capacité d’attention des poissons ?… évidemment une Fake news ! qui m’aura permis d’imaginer les enfants devant moi tels des poissons rouges gobant tout et n’importe quoi ?, et qui m’a convaincue encore plus de la nécessité de faire taire les bruits du monde pour permettre aux enfants de se concentrer, de se déconnecter (et oui !), d’être vigilant… et de passer ces messages aux écoliers en jouant avec les fleurs.
Un bouquet raisonnable, Christiane, qui tiendrait dans la main. J’aime. Merci.